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Révolte au cœur de l’Empire : Pourquoi? L’esprit radical du mouvement “ antimondialisation ”

Un texte de Francis Dupuis-Déri
Thèmes : Démocratie, Mouvements sociaux, Politique
Numéro : vol. 5 no. 2 Printemps-été 2003

Ville de Québec, vendredi après-midi, 20 avril 2001. Des milliers de citoyens ont répondu à l’appel de la Convergence des luttes anticapitalistes (clac) et du Comité d’accueil du Sommet des Amériques (casa) et sont rassemblés sur le campus de l’Université Laval. Ils vont marcher vers la ville. Empruntant le long boulevard René-Lévesque, ils avancent vers le périmètre de sécurité long de quatre kilomètres érigé pour empêcher les citoyens de perturber la tenue du Sommet des Amériques où 34 chefs d’État doivent discuter à huis clos de la libéralisation des marchés. Cette clôture symbolise parfaitement la fermeture du monde politique officiel; elle sera renversée en quelques minutes par des manifestants rapidement repoussés avec violence par des citoyens en uniforme les criblant de grenades à gaz lacrymogène et de balles de caoutchouc. Pendant les 36 heures qui suivront, des milliers d’individus affronteront les policiers dans la haute-ville de Québec, exprimant de façon trouble un rejet radical du processus de mondialisation du capitalisme. À l’écart, d’autres citoyens participeront le samedi après-midi à la très disciplinée Marche des peuples, en basse-ville, qui tournera le dos au Sommet et au périmètre et s’enfoncera dans des terrains vagues. Dans la forme d’expression, un clivage apparaît déjà clairement entre deux tendances au sein du mouvement “ antimondialisation ” : les réformistes et les radicaux[1]. Les réformistes sociaux-démocrates sont majoritaires au sein de cette lame de fond qui se compose de groupes militants et de “ simples ” citoyens, mais sur la crête de cette vague flotte le drapeau noir de l’anarchie.

            Les réformistes considèrent que la “ démocratie ” libérale et l’économie capitaliste ne sont pas illégitimes par nature. Les groupes réformistes — Fédérations des femmes, groupes environnementalistes, syndicats, partis verts et communistes — proposent une démocratie participative car ils croient que si leurs représentants pouvaient être invités à la table des négociations des grands sommets économiques, les intérêts de la société civile seraient enfin correctement représentés et défendus (par eux).

Les radicaux ne partagent ni l’analyse ni l’objectif des réformistes, qu’ils considèrent au mieux comme des naïfs, au pire comme des alliés objectifs du système parlementaire et capitaliste, éventuellement même comme des carriéristes animés uniquement par leurs intérêts personnels. Pour les radicaux, le capitalisme est fondamentalement illégitime car les individus y sont nécessairement inégaux : il y a les propriétaires et les non-propriétaires, les employeurs et les employés, les travailleurs et les chômeurs, les riches et les pauvres. Dans son organisation même, le capitalisme est antidémocratique : cinq jours par semaine et 50 semaines par année, un travailleur canadien ne peut décider des heures auxquelles il mange ou prend une pause ni de la façon dont les profits qu’il génère seront gérés et distribués. La “ démocratie ” libérale quant à elle n’a de démocratique que le nom car le pouvoir du peuple souverain se retrouve concentré entre les mains d’un individu — le Premier ministre — lorsque vient le temps de négocier des accords favorisant la mondialisation du capital. Bien sûr, tout citoyen a le droit de poser sa candidature, comme le rappelait Jean Chrétien aux manifestants lors du Sommet de Québec : “ Faites-vous élire, c’est facile, cela coûte 200 $, vous pouvez vous représenter dans une circonscription et avec beaucoup de chance, 30 ans plus tard, vous deviendrez premier ministre[2]. ” Cette citation pour le moins arrogante, épinglée dans le journal anarchiste québécois Le Trouble, incarne bien aux yeux des radicaux le problème fondamental de la “ démocratie ” libérale : les élections ne sont qu’un processus par lequel les citoyens se donnent un maître, comme le disait déjà Jean-Jacques Rousseau dans son livre Du contrat social. Si les réformistes militent pour une démocratie participative, les radicaux aspirent à une démocratie directe.

La ligne de partage entre réformistes et radicaux n’est pas toujours très claire. attac, par exemple, est un groupe réformiste chapeauté par une direction autodésignée et autocratique qui effectue du lobbying auprès des politiciens. À la base, pourtant, plusieurs comités locaux fonctionnent selon les principes de la démocratie directe. Cette nature hybride de l’organisation crée des tensions, les dirigeants cantonnés à Paris reprochant à des militants de base de nuire à l’“ efficacité ” de l’ensemble en réclamant des procédures plus démocratiques, alors que des membres de comités locaux annoncent publiquement sur la liste Internet d’attac qu’ils quittent en bloc l’organisation car elle n’est pas suffisamment démocratique[3]. Réformisme et radicalisme sont également difficiles à distinguer en ce qui a trait à l’impact possible de leurs actions respectives dans le contexte actuel qui n’est pas révolutionnaire (surtout après les attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, qui ont donné l’occasion aux États occidentaux de renforcer les mesures “ antiterroristes ” et répressives). Les radicaux ne peuvent, par leurs actions, qu’espérer créer des ondes de choc dans le champ politique, qui aideront les réformistes à sauver des pans de l’État-providence et à obtenir des réformes qui atténueront les effets néfastes et injustes du capitalisme. Partager le mouvement entre réformistes et radicaux est donc nécessairement réducteur, mais les militants eux-mêmes utilisent ces concepts qui permettent d’identifier des lignes de force et de tension au sein du mouvement pour la mondialisation de la justice et de la solidarité[4].

À peine 10 ans après la victoire fracassante du libéralisme économique et politique contre le bloc de l’Est et les idéologues marxistes des deux côtés du mur de Berlin, une telle résurgence de groupes contestataires radicaux au cœur de l’Empire a de quoi étonner. Comment expliquer l’apparition, depuis quelques années en Amérique du Nord, d’une Fédération des communistes libertaires du Nord-Est, d’un Salon du livre anarchiste de Montréal, qui attire depuis 2000 des milliers de visiteurs chaque année, et de groupes anarchisants plus spécifiquement liés au mouvement “ antimondialisation ”, comme la clac dont la capacité de mobilisation au Sommet des Amériques à Québec en avril 2001 a stimulé la naissance de convergences anticapitalistes similaires à Washington d.c., à New York, à Seattle et ailleurs?

            Quelques explications rapides ont été lancées et reprises avec plus ou moins de succès : pour certains, il faut voir dans ce phénomène le résultat d’une montée d’hormones propre à la jeunesse; pour d’autres, ce serait la conséquence d’un désir inconscient d’imiter la génération précédente qui, vers 1970, se divisait entre manifestants et policiers à Paris, Berlin, Berkley, Montréal et ailleurs. L’explication ne réside-t-elle pas plutôt au cœur même de l’imaginaire politique moderne qui s’articule autour de principes telles la liberté, l’égalité et la solidarité, qui peuvent être repensés et se réincarner dans de nouvelles pratiques démocratiques, d’autant plus facilement aujourd’hui que les forces traditionnelles de gauche se sont centrées, abandonnant un pan entier du champ politique aux partisans d’une démocratie participative, voire directe?

 

UNE RÉVOLTE HORMONALE?

 

            Quelques heures avant le début du Sommet des Amériques de Québec, Mario Roy affirmait avec paternalisme dans un éditorial de La Presse que c’est le propre de la jeunesse que de manifester bruyamment. Pour Roy et ses semblables, l’essence de la jeunesse serait inflammable et la contestation actuelle n’aurait rien à voir avec le politique, les idées, la raison. Vieux truc rhétorique. Voilà pas si longtemps, on affirmait que seuls les jeunes rêvaient de démocratie, un régime jugé “ arbitraire, tyrannique, sanglant, cruel et intolérable ” par John Adams lui-même, qui disait vers 1800, alors qu’il était le second président des États-Unis, qu’“ un garçon de 15 ans qui n’est pas un démocrate n’est bon à rien, et n’est pas mieux celui qui est un démocrate à 20 ans[5] ”. Une grande majorité de ceux et celles qui participent à la frange radicale du mouvement d’opposition à la mondialisation du capital industriel et financier ont en effet entre 16 et 35 ans. Mais les hormones n’expliquent pas tout; sinon, comment comprendre que les jeunes soient parfois si calmes? Et sont-ils tous en manque d’hormones, ces jeunes capitalistes qui collectionnent les cartes de crédit, travaillent comme des dingues dans des banques, des McDonald’s, qui flambent leur paie en vêtements et gadgets électroniques et rêvent de pouvoir s’acheter au plus tôt une voiture et un condominium? Et ceux qui s’enrôlent dans l’armée et dans la police, qui travaillent en tant que stagiaires à La Presse, qui étudient à l’École des hautes études commerciales, ou qui militent au sein de l’aile jeunesse du Parti libéral? Étrange jeu des hormones...

 

SINGER LA RÉVOLTE DES AUTRES?

 

            Les travaux de Charles Tilly, sociologue spécialiste des mouvements sociaux, indiquent une autre piste de réflexion. Il existerait selon lui des “ répertoires d’actions collectives[6] ” propres à chaque époque et à chaque culture. Des individus et des groupes pourront choisir de s’approprier un type d’action collective d’autant plus facilement qu’ils s’identifieront à ceux qui ont utilisé cette tactique les premiers. L’appartenance à un même groupe d’âge ou à un même groupe socio-économique facilitera l’identification des uns aux autres. Les récits oraux et les livres ont longtemps servi de canaux par où transitaient ces répertoires d’actions politiques. Jules Vallès, écrivain français de la seconde moitié du xixe siècle, parle ainsi des “ victimes du livre ”, ces gens qu’un passage a marqués à tel point qu’ils ont voulu en rejouer la scène :

pas une de nos émotions n’est franche. [...] [T]out est copié, tout! Le Livre est là! [...] Notre génération n’a pas été avare de son sang! [...] Eh! bien, si l’on déterre les victimes — je mêle ici les cadavres, gentilshommes ou plébéiens, républicains et royalistes [...] —, combien qui s’étaient jetés dans la mêlée, grisés par l’odeur chaude de certains livres [...] Je les salue, ces morts qui rendirent leur âme avant leur épée! [...] [J]e l’affirme, tous, presque tous, ces chercheurs de dangers, ces traîneurs de drapeaux, apôtres, tribuns, soldats, vainqueurs, vaincus, ces martyrs de l’histoire, ces bourreaux de la liberté : des victimes du livre[7]. ”

 

En 1999, quand les jeunes d’Occident ont vu les images des manifestations de Seattle à la télévision, à la “ une ” des journaux et sur les sites Internet, ils se sont dit que ce pourrait être eux et leurs amis qui un jour perturberaient un grand sommet officiel en organisant des actions de désobéissance civile ou en s’attaquant à la vitrine d’une banque ou d’un McDonald’s. “ Ça y est, c’est à notre tour! ”, se sont exclamées ces victimes de l’image lorsqu’elles ont appris que les grands de ce monde leur organisaient un Sommet pas trop loin de chez elles.

Cette théorie de l’imitation ne résout toutefois pas le problème de l’œuf et de la poule : du manifestant et de la manifestation, qui vient en premier? Tout a-t-il commencé à Seattle, ou ne s’agissait-il déjà là que d’une imitation des événements de Mai 68? Les manifestants d’aujourd’hui seraient alors les agents de l’histoire qui cherche à se répéter. Et à nouveau cette question : pourquoi n’y a-t-il pas eu de mouvement semblable cinq ou 10 ans plus tôt? Et pourquoi cette mobilisation “ radicale ”, “ non-réformiste ”, “ anticapitaliste ” et “ anarchiste ”, plutôt qu’un investissement en masse des forces politiques traditionnelles tels que les partis politiques ou les syndicats?

***

            Ces pistes de réflexion — la fougue de la jeunesse et les processus d’imitation — qui plongent chacune à leur manière au cœur du mystère, révèlent en partie la dynamique des groupes radicaux. On pourrait tenter d’autres explications, à première vue triviales, mais qui résument bien sans doute certaines expériences personnelles : un tel a participé aux manifestations par esprit de conformité car il ne voulait pas se sentir exclu de “ son ” groupe d’amis; un second, parce que manifester semblait “ amusant ”; une autre, car la fille qui distribuait les tracts de mobilisation dans son collège était particulièrement mignonne et qu’elle rêvait de la revoir; une dernière, enfin, pour clouer le bec à son père qui lui rabâchait les oreilles depuis des années avec “ son ” engagement des années 1970 et avec “ l’apathie déplorable des jeunes d’aujourd’hui ”...

            L’élite politique elle-même peut enfin être tenue responsable de la montée en puissance du mouvement “ antimondialisation ” : ayant eu recours publiquement et systématiquement à l’excuse de la “ mondialisation ” pour justifier la mise à sac de l’État-providence et la redéfinition d’inspiration néolibérale de divers lois et règlements commerciaux et financiers sur la scène internationale, les politiciens ont désigné la source du malheur — la “ mondialisation ” — et provoqué un ressac “ antimondialisation ”. Le Québec est un cas d’espèce : les politiciens y ont affirmé qu’en raison de la mondialisation du capital, ils n’avaient d’autre alternative que d’adopter une politique d’austérité visant le “ déficit zéro ”; ils ont procédé cavalièrement aux fusions municipales en expliquant une fois de plus que la mondialisation ne leur laissait pas d’autre alternative; même la souveraineté-association du Québec serait plus nécessaire que jamais dans un contexte où le capital est de plus en plus mondialisé. Les politiciens ne devraient donc pas s’étonner que les divers groupes insatisfaits de politiques adoptées au nom de la “ mondialisation ” convergent dans un vaste mouvement d’opposition à cette mondialisation. Surtout que cet État-providence que les politiciens n’auraient d’autre choix que d’émonder se montre souvent très généreux auprès des grandes compagnies qui obtiennent facilement des subventions directes, des exemptions d’impôt, etc.[8].

            Au-delà de ces explications, un esprit, un imaginaire, une sensibilité propres à la modernité politique inspirent de nombreux citoyens participant à la frange radicale du mouvement. Cette sensibilité peut plus facilement se déployer dans le champ politique en raison du tassement des forces de gauche traditionnelles vers le centre, voire même vers la droite.

 

DEVOIR DE RÉSISTANCE ET DÉMOCRATIE

 

            Le mouvement pour la mondialisation de la solidarité, actif aujourd’hui, ressemble au mouvement de contestation des années 1960 qui dénonçait tout à la fois le mode de fonctionnement des universités, le capitalisme, le racisme et l’impérialisme, plus spécifiquement la guerre menée par les États-Unis au Viêt-nam. Deux philosophes politiques avaient alors identifié les causes philosophiques et morales de la mobilisation politique et leurs analyses peuvent éclairer le mouvement présent. Hannah Arendt, partisane d’une forte participation politique des citoyens mais néanmoins républicaine, signa en 1970 un texte intitulé “ La désobéissance civile ”. Herbert Marcuse, philosophe marxiste d’inspiration psychanalytique, proposa pour sa part en 1968 le texte “ Le problème de la violence dans l’opposition[9] ”.

            Arendt réfléchira à la désobéissance civile à la lumière du mythe du contrat social. Selon ce mythe, les êtres humains vivent à l’origine dans un état de nature dépourvu d’institutions et d’autorité politiques. Ils s’entendent alors pour instituer une autorité qui sera seule dotée du droit d’avoir recours à la violence pour protéger la vie et les biens des contractants. Arendt affirme que la nature fictive du contrat social rend problématique l’idée même de consentement au pouvoir politique réellement en place. Une tension fondamentale existe entre gouvernés et gouvernants dans la mesure où l’autorité politique officielle assoie sa légitimité sur la souveraineté du peuple qu’elle prétend représenter. Or s’il y a un peuple souverain, c’est qu’il y aurait donc eu deux contrats sociaux et non pas un : le premier contrat crée le “ peuple ” — la société civile — qui, par un second contrat, institue l’autorité politique[10]. Si le gouvernement peut souvent paraître unifié, le “ peuple ” est toujours pluriel et il est tout naturel qu’au sein de la société, des individus et des groupes ne se sentent pas représentés par l’autorité politique. Selon les moyens et la sensibilité de chacun, les uns tenteront d’influencer le gouvernement par voie de lobbying, les autres patienteront jusqu’aux prochaines élections, mais ceux qu’habite un sentiment d’urgence se lanceront dans l’action directe. Il n’y a pas là de quoi s’étonner, conclue Arendt qui propose de “ faire une place à la désobéissance civile, non seulement dans notre langage politique, mais aussi dans notre système politique[11] ”. Elle rappelle même que la lutte pour la liberté et l’égalité fut souvent menée par le biais de campagnes de désobéissance civile pacifistes ou violentes, puisque les politiciens élus ne se préoccupent que rarement des injustices sociales tant que des citoyens ne se mobilisent pas pour les forcer à agir.

            Marcuse adopte une perspective différente, mais qui n’est pas incompatible avec celle d’Arendt. Tout comme Arendt avec le contrat social, Marcuse s’inspire lui aussi d’un thème cher à l’histoire de la philosophie politique : le droit — ou devoir — de résistance qui “ constitue l’un des éléments les plus anciens et sacrés de la civilisation occidentale [...]. [L]e devoir de résister est le moteur du développement historique de la liberté, le droit et le devoir de la désobéissance civile étant exercés comme force potentiellement légitime et libératrice[12]. ” Ce droit de résistance joue des valeurs supérieures contre le droit positif, c’est-à-dire que des individus pourraient contester légitimement le gouvernement quand les lois et les décisions de ce dernier transgressent des Lois morales, religieuses, voire même l’esprit de la Constitution. Cette approche s’appuie sur une constatation fondamentale : toute loi est par définition légale mais non pas nécessairement légitime (d’un point de vue moral, religieux ou constitutionnel). Il est dès lors possible de distinguer deux types de force : (1) celle des résistants, qu’ils veulent juste et libératrice mais qui est criminalisée; (2) celle de l’État, à la fois injuste et oppressive mais néanmoins légale. Marcuse insiste sur un fait important : les citoyens ont un devoir de résistance non seulement quand les lois et les décisions de l’État sous lequel ils vivent ont des conséquences néfastes sur la scène nationale, mais aussi quand cet État pose des actes illégitimes sur la scène internationale (Marcuse pensait alors à la guerre que menait l’État américain contre le Viêt-nam).

            Si les réflexions d’Arendt et de Marcuse ne permettent pas d’expliquer l’ensemble du phénomène de la mobilisation actuelle contre la mondialisation du capitalisme, elles offrent néanmoins de très stimulantes pistes de réflexion. Nombre de manifestants d’aujourd’hui considèrent qu’ils ont un droit et un devoir de résistance face aux gouvernements qui ne représentent pas adéquatement la société civile et qui prennent des décisions qui favorisent injustement les gens d’affaires au détriment de travailleurs nationaux ou étrangers et sans considération pour l’écosystème. Ce favoritisme à l’égard des gens d’affaires s’explique entre autres par le fait que les politiciens élus sont souvent très proches des gens d’affaires, quand ils n’en sont pas eux-mêmes (on n’a qu’à penser à Paul Martin, l’ex-ministre des Finances du Canada, lui même homme d’affaire multimillionnaire, à Jean Chrétien dont la fille a épousé un membre de la famille Desmarais, à Bernard Landry qui admettait dîner plusieurs fois par année en tête-à-tête avec le patriarche de la famille Desmarais, à George Bush ii et à son vice-président Dick Cheney, tous deux associés à l’industrie pétrolière). Ce favoritisme se traduit lors des grands Sommets par des invitations faites aux gens d’affaires par les politiciens pour qu’ils participent avec eux aux discussions sur le sort du monde. Dans le cadre des négociations pour la Zone de libre-échange des Amériques (zléa), par exemple, l’America Business Forum (abf) a obtenu un statut consultatif officiel des chefs d’États. L’abf tient ses réunions conjointement avec les réunions des ministres et des chefs d’État négociant les accords de la zléa, et des centaines de mémoires et de recommandations concoctés par l’abf se retrouvent discutés et repris par les négociateurs[13].

            La mondialisation du capitalisme participe également d’un “ déficit démocratique ”, puisque les politiciens qui négocient les grandes ententes commerciales telle que la zléa n’ont jamais obtenu de mandat clair de leur électorat pour aller ainsi de l’avant (la zléa, par exemple, ne fut pas discutée lors de la campagne électorale fédérale au Canada, qui se déroula pourtant à peine quelques mois avant le Sommet de Québec). L’élite politique est également accusée de ne plus représenter la diversité de la société civile en raison du tassement des forces traditionnelles de gauche vers le centre, voire la droite. Dans les années 1990, ce sont même des gouvernements qui se disaient “ de gauche ” qui vont justifier et orchestrer cette fameuse “ mondialisation ” des marchés. En Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et en Espagne, les socialistes sont au pouvoir. Au Québec, se sont les sociaux-démocrates du Parti québécois. Au Sud, le démocrate Bill Clinton est président des États-Unis. Ces socialistes et sociaux-démocrates vont tous reprendre le flambeau laissé par les Margaret Thatcher et Ronald Reagan et accélérer le processus de mondialisation des marchés lors de grands sommets économiques.

            Par leur arrogance, politiciens et gens d’affaires ont miné la crédibilité du mythe légitimant du contrat social qui évoque un transfert de la souveraineté populaire à une élite qui représentera de façon raisonnable le “ bien commun ”. Le système économique et politique officiel actuel apparaît et fonctionne de façon telle, sur la scène nationale et internationale, que de plus en plus d’individus se sentent un devoir de le contester.

D’un point de vue sociologique, la mobilisation dans la rue était d’autant plus inévitable qu’au cours des années 1990, les forces politiques traditionnelles de gauche se sont si bien centrées qu’elles ne sont plus capables de représenter la gauche citoyenne ni même de canaliser les énergies de militants qui ont le cœur à gauche. Voilà qui met en lumière les conséquences sociopolitiques du détour par la “ troisième voie ” empruntée par les forces de gauche traditionnelles. Cette troisième voie qui rejette le socialisme au nom d’une soi-disant sagesse historique ruine l’attrait de ces organisations pour nombre de citoyens, d’où les gains du Parti vert de Ralph Nader lors des élections présidentielles américaines à l’automne 2000, des partis d’extrême-gauche lors des présidentielles françaises du printemps 2002, et de la naissance d’une Union des forces progressistes au Québec à l’été 2002. Dans une tentative pathétique de colmater les brèches et de repositionner le Parti québécois à gauche en prévision des prochaines élections, le premier ministre du Québec Bernard Landry est revenu sur l’idée du Comité national des jeunes qui proposait, lors du congrès national de mai 2000, que le pq se présente officiellement comme un parti social-démocrate. À l’époque, Landry avait pris le micro pour s’opposer à cette proposition finalement battue. En mai 2002, il s’excuse publiquement et encourage les jeunes de son parti à déposer à nouveau leur proposition[14]. Triste pitrerie typique de ceux et celles qui jouent le jeu de la représentation politique.

Le détour par la “ troisième voie ” explique aussi à la fois la désaffection en masse pour le jeu électoral de tout ceux qui n’y voient qu’un abandon pur et simple des valeurs de la gauche, et l’apparition d’une pléiade de groupes contestataires en marge des partis et des syndicats. Ces groupes politiques sont riches d’une sagesse historique qui les pousse à rejeter l’ancien dogme marxiste-léniniste et à lui préférer des principes antiautoritaires, ainsi que la démocratie participative ou directe, voire l’anarchie entendue comme un système politique égalitaire et libertaire. L’important ici n’est pas de réaliser que les partis de gauche et les syndicats ne représentent plus les anarchistes et les démocrates radicaux, puisque la représentation politique ne saurait jamais n’être qu’une fiction — un mensonge — à leurs yeux, mais de constater que ce déplacement vers la droite des forces politiques traditionnellement à gauche laisse un espace vacant où il est soudain plus facile pour les anarchistes de s’organiser, de se mobiliser et de se faire voir et entendre.

 

DÉMOCRATIE DIRECTE ET ANARCHIE

 

            Le politologue Gilles Labelle a raison de mettre en garde les militants d’aujourd’hui contre l’excès d’optimisme dont ils font preuve à l’égard de la démocratie[15]. Un réformiste, Jacques B. Gélinas, dira ainsi que la “ démocratie participative ” à laquelle il aspire est “ un objectif qui ne peut être atteint qu’en forgeant par la pratique des démocrates qui bâtiront la nouvelle démocratie et jetteront les bases d’une institution républicaine renouvelée, amie de la Terre et de la chose publique[16]. ” Il semble là y avoir un vœu pieux. Labelle identifie clairement le danger : “ le mouvement antimondialisation posant d’emblée la démocratie comme une solution : ainsi, à l’entendre, il suffirait que le peuple parle de sa propre voix pour que c’en soit fini de l’inhumaine mondialisation marchande[17]. ” Par quelle magie, en effet, le peuple serait-il par nature enclin à la justice, l’égalité, la liberté, la solidarité, l’écologisme, etc.? Il faut rester conscient, comme le laisse entendre Labelle avec justesse, qu’un “ peuple ” peut être égoïste ou raciste, par exemple, et que la démocratie participative ne doit pas être conçue comme la solution à tous les problèmes, la source de la liberté, de l’égalité et de la justice, voire même l’incarnation de la raison.

            Ceci dit, les militants d’aujourd’hui font beaucoup plus que de simplement vanter les mérites de la démocratie : ils créent des espaces où les citoyens peuvent vivre ici et maintenant des expériences de démocratie participative et direct. La pratique démocratique s’incarne dans l’organisation même du mouvement et s’y conjugue dans sa frange radicale sur un mode directe. Prenons l’exemple de la clac, fondée en avril 2000 à Montréal dans le but d’organiser des protestations lors du Sommet des Amériques à Québec (avril 2001) et qui, suite à cet événement, a continué d’organiser des manifestations et des conférences publiques. Personne à la clac n’occupe un poste lui conférant un pouvoir formel qui lui permettrait de donner des ordres, d’imposer des règlements disciplinaires ou de (menacer de) congédier un subordonné (il n’y a pas de subordonnés). Certains individus y sont plus influents que d’autres parce qu’ils sont actifs dans certains comités, parce qu’ils parlent beaucoup lors des assemblées, etc. Bref, les membres de la clac sont des êtres humains, non des robots produits en série. Il reste néanmoins qu’à côté d’un membre de la clac, n’importe quel chef d’État, de parti politique ou de syndicat ne peut qu’apparaître pour ce qu’il est : un individu autoritaire commandant à une armée de subordonnés dont l’autonomie d’action et de pensée est limitée en raison même de leur position inférieure dans la hiérarchie. L’assemblée générale de la clac est souveraine et le processus de prise de décision est pensé de façon telle qu’une majorité ne peut que difficilement imposer sa volonté à la minorité. On cherche le consensus plutôt que la majorité absolue (50 % plus un), par méfiance envers l’autorité, qu’elle soit celle d’un individu ou celle d’une majorité. Ce mode décisionnel demande du temps, mais les participants à la clac affirment que “ la longueur n’est un désavantage que dans notre système actuel où il faut toujours aller “vite”. Il y a des décisions pour lesquelles il est nécessaire de prendre son temps[18]. ”

            La sensibilité anarchiste de la clac s’incarne également dans les types d’action privilégiés, dont les médias ne retiennent généralement que le côté “ violent ”. La clac respecte la “ diversité des tactiques ” et n’organise pas de service d’ordre, ce qui fait en sorte que les manifestations organisées par la clac attirent parfois des citoyens décidés à mener des frappes contre des cibles symboliques (le périmètre de sécurité lors du Sommet des Amériques à Québec, des McDonald’s, des banques, des chaînes de télévision, etc.). Si le recours à la force est possible lors de manifestations de la clac, celle-ci ne le planifie pas. Selon plusieurs participants de la clac, la “ diversité des tactiques ” incarne sur le terrain l’esprit égalitaire et libertaire des radicaux. Ne pas empêcher que des individus utilisent la force pour protester, c’est accepter de les considérer comme autonomes et responsables. C’est aussi admettre qu’il y a plusieurs façons légitimes (mais pas nécessairement légales) d’exprimer des opinions politiques, comme l’expliquent d’ailleurs les spécialistes des mouvements sociaux Donatella Della Porta et Mario Diani, selon qui “ la logique d’infliger des dommages matériels [...] reflète une vision de la politique comme étant une lutte pour le pouvoir dans laquelle la participation à la société civile n’est pas confinée à l’action de voter lors des élections[19]. ”

            Le mode d’organisation même de la clac — qui ne va pas sans ratés — permet à lui seul de justifier le droit de résistance face à l’État libéral qui se prétend “ démocratique ”. En effet, les membres de la clac peuvent facilement constater qu’il y a entre cette “ démocratie ” libérale et leur démocratie directe une différence de manière et surtout de nature. Il y avait, par exemple, tout un décalage entre ces groupes radicaux qui manifestaient à Québec contre la zléa en avril 2001 et les chefs d’État qui saoulaient les citoyens de leur fameuse “ Clause démocratique ”, alors qu’ils n’avaient aucun mandat officiel pour négocier à huis clos l’accord de la zléa. La clac n’est pas un cas isolé : un peu partout au sein du mouvement, les militants s’organisent et fonctionnent à la lumière des principes de liberté et d’égalité déclinés sur un mode radical. Par esprit égalitaire, par exemple, la parole sera souvent distribuée en alternance entre les hommes et les femmes, pour contourner cette réalité sociologique selon laquelle les hommes ont en général plus tendance à demander la parole en public, ce qui leur confère en général plus de pouvoir dans un processus délibératif. Pour faciliter les délibérations lors des assemblées, les groupes peuvent s’accorder une période pendant laquelle les participants sont invités à simplement lancer des idées sans réagir ni critiquer celles des autres (séances de brainstorming); les groupes organisent aussi des votes indicatifs qui permettent à l’assemblée de prendre conscience de son état d’esprit[20]. Bref, les militants radicaux entretiennent un rapport avec la démocratie qui dépasse de loin le simple rêve d’une solution idéale : ils s’efforcent de faire l’expérience de la démocratie, ce qui les pousse à entretenir un rapport réflexif avec les principes d’égalité et de liberté et à tenter diverses pratiques pour que ces principes trouvent à s’incarner dans la vie politique d’une manière des plus cohérentes.

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Au moment d’écrire ces lignes, en décembre 2002, le mouvement de résistance et de contestation ne semble pas encore être parvenu à infléchir significativement les politiciens et les gens d’affaires. À l’hiver 2002, une conférence internationale sur le développement international, tenue à Monterrey au Mexique, se termina par une déclaration officielle à saveur néolibérale : les autorités officielles s’engageaient à nouveau à lutter contre la pauvreté en accélérant le processus de libéralisation des échanges commerciaux et financiers, seul à même, selon eux, d’accroître la richesse collective. Les porte-parole des grands groupes réformistes font toujours le pied de grue devant les portes des centres de conférence où se déroulent à huis clos les négociations politico-économiques entre politiciens, gens d’affaires et représentants des grandes organisations financières internationales. Quant aux radicaux, ils ne voient de l’État que des policiers masqués, symbole fort du refus des politiciens de repenser le contrat social qu’ils ont mis à mal. De sommet en sommet, les citoyens payés et armés par l’État entrent immanquablement dans le champ de bataille avec une parfaite unité, sans qu’aucun d’eux n’indique un doute, un malaise, un refus d’obéir aux ordres de tirer à bout portant des balles de caoutchouc ou des balles réelles sur ses concitoyens. Ils savent que les politiciens attendent d’eux qu’ils agissent avec violence pour mater les trouble-fête. Au Sommet du G8 de Gênes, à l’été 2001, un policier a eu recours à des balles réelles, tuant sur le coup un citoyen. Le lendemain, les chefs d’État se relayaient aux micros pour dénoncer la violence… des manifestants! Quelques semaines plus tôt, un manifestant avait succombé à ses blessures à Göteborg, en Suède, où les policiers avaient également tiré à balles réelles sur la foule[21]. Forts de l’appui des politiciens, les citoyens en uniforme agissent en bloc, sans démontrer une quelconque autonomie individuelle de pensée. Des 6 500 policiers mobilisés pour le Sommet des Amériques à Québec en avril 2001, aucun n’est sorti du rang pour dire : “ Je me mets en réserve, je refuse de participer à ce cirque. ” À chaque face-à-face, pourtant, des manifestants parlent aux citoyens en uniforme, les interpellent, leur expliquent la raison de leur présence dans les rues, leur demandent de se joindre à eux dans leur revendication pour un monde plus juste[22]. Et les manifestants que les médias de masse présentent systématiquement comme violents n’ont jusqu’à présent tué personne, ni même essayé : ils se contentent parfois de lancer des frappes contre des cibles symboliques, d’affronter avec des armes artisanales les forces répressives, mais plus souvent qu’autrement ils organisent des manifestations festives et pratiquent le théâtre de rue par lequel ils tentent de dévoiler le ridicule de l’État et du Capital[23]. Devant ces manifestants qui chérissent par-dessus tout la liberté, l’autonomie et la responsabilité individuelle, les policiers semblent pareils à des robots. Signe évident que se font face deux conceptions diamétralement opposées de la justice, de la liberté, de l’égalité, bref, de l’être humain.



Francis Dupuis-Déri**

 

NOTES

* Je tiens à remercier Mireille Elchacar, François L’Italien et les deux lecteurs anonymes de la revue Argument pour leurs commentaires critiques de versions précédentes de ce texte, dont cette version finale n’engage que l’auteur, même si elle leur doit beaucoup. Pour me joindre : francisdupuisderi@hotmail.com.

** Francis Dupuis-Déri est chercheur postdoctoral en science politique au Massachusetts Institute of Technology à Cambridge, aux États-Unis.

1. Pour une discussion au sujet de ce clivage au sein même du Forum social mondial de Porto Alegre, voir Michæl Hardt, “ Porto Allegre : Today’s Bandung? ”, New Left Review, mars-avril 2002, p. 112-118.

2. Tiré de l’agence Presse canadienne, 23 avril 2001; cité dans Le Trouble, vol. 1, no 5, mai 2001, p. 10.

3. Flore Trautman, Internet au service de la démocratie? Le cas d’attac, Paris, Cahiers du cevipof (sur Internet : www.cevipof.msh-paris).

4. L’expression “ antimondialisation ” est trompeuse, car le mouvement est lui-même mondialisé et milite pour une libre circulation des individus et pour la formation de réseaux de solidarité transnationaux qui pensent la défense des droits individuels et la redistribution de la richesse de façon globale. Voir Éric Pineault, “ La zléa, une vision pour les Amériques. Réflexions sur quelques enjeux sociopolitiques que pose le Sommet de Québec ” (Argument, vol. 3, no 2, 2001, p. 149) et David Græber, “ The New Anarchists ” (New Left Review, janv.-fév. 2002, p. 62-66).

5. Bernard Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution, Cambridge (ma), Belknap Press of Harvard University Press, 1967, p. 282, note 50; Saul K. Padover (dir.), The Complete Jefferson, New York, Duell, Sloan & Pearce Inc., 1943, p. 1276 (ma traduction). Au sujet de l’antidémocratisme ambiant au début de la modernité politique, je me permets de renvoyer à mon texte “ L’esprit antidémocratique des fondateurs de la “démocratie” moderne ” (Agone, no 22, 1999, p. 95-113).

6. Érik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 1996, p. 23.

7. Jules Vallès, “ Les victimes du livre ” [1862], Œuvres, vol. i, Paris, Gallimard, coll. “ Bibliothèque de la Pléiade ”, p. 230, 246.

8. Voir, au sujet de l’État-providence pour grosses compagnies, le livre de Steven Gorelick, Les gros raflent la mise. À qui profitent les fonds publics à l’heure de la mondialisation (Montréal/Lyon, Écosociété/Silence, 2001).

9. On retrouvera ces textes respectivement dans Hannah Arendt, Du mensonge à la violence (trad. G. Durand, Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 53-104) et Herbert Marcuse, La fin de l’utopie (trad. L. Roskopf et L. Weibel, Paris, Delachaux/Niestlé/Seuil, 1968, p. 41-55). On lira aussi avec intérêt de Marcuse, Vers la libération (trad. J.-B. Grasset, Paris, Minuit, 1969), un recueil de conférences souvent d’une étonnante actualité.

10. C’est la thèse de John Locke discutée par Arendt.

11. H. Arendt, “ La désobéissance civile ”, dans H. Arendt, Du mensonge à la violence, op. cit., p. 103.

12. H. Marcuse, “ Le problème de la violence dans l’opposition ”, dans Marcuse, op. cit., p.49.

13. Dorval Brunelle et Christian Deblock, “ Les mouvements d’opposition au libre-échangisme dans les Amériques et la constitution d’une Alliance sociale continentale ”, Nouvelles pratiques sociales, vol. 13, no 2, 2000, p. 142.

14. Robert Dutrisac, “ Social-démocratie : un mea-culpa bien accueilli ”, Le Devoir, 18-19 mai 2002, p. A6.

15. Gilles Labelle, “ Réflexions critiques sur le “mouvement antimondialisation” : “Le capital ne fera pas la loi”, qui la fera? ”, Combats, vol. 5, nos 3-4, automne-hiver 2001-2002, p. 10-12.

16. Jacques B. Gélinas, La globalisation du monde. Laisser faire ou faire?, Montréal, Écosociété, 2000, p. 264-265.

17. G. Labelle, op. cit., p. 11.

18. Extrait d’une entrevue avec une participante de la clac, réalisée par l’auteur en avril 2002 à Montréal.


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