Le plus vieux débat du monde…
Alors que nombreuses sont les autorités politiques nationales ou municipales qui cherchent présentement des solutions pour « gérer » le plus efficacement possible la prostitution, soit en la criminalisant, soit en libéralisant ce marché si particulier, partisans et partisanes des droits des femmes débattent des avantages et des désavantages de ces deux approches pour les femmes. Les féministes sont déchirées sur la question. Si elles s’entendent sur la priorité à accorder aux droits, à la sécurité et à la dignité des femmes qui pratiquent cette mise en vente de leur corps, elles ne s’entendent pas sur la meilleure voie à suivre pour obtenir les meilleurs résultats.
Au-delà des positions plus simplistes — criminalisation à outrance d’un côté, avec l’espoir farfelu que la punition ferme saura éradiquer cette pratique, et libéralisation de l’autre, selon cette illusion que la prostitution est un métier comme un autre —, Argument présente ici deux auteurs qui s’efforcent de raffiner la pensée et en évaluant la complexité propre aux deux approches.
D’une part, Richard Poulin, sociologue à l’Université d’Ottawa, étudie depuis des années l’industrie du sexe, et maintient que pornographie et prostitution sont des piliers du patriarcat, nuisant à toutes les femmes et profitant à tous les hommes. Balayant du revers des statistiques et des entrevues le mythe de la pute heureuse et fière de l’être, il explique que les métiers du sexe sont destructeurs pour les femmes qui les pratiquent. Elles y sont exploitées principalement par des hommes (patrons ou clients) qui sont les principaux bénéficiaires de toute libéralisation de ce marché.
D’autre part, Corinne Monnet, directrice de Cabiria, une association lyonnaise de santé communautaire avec les personnes prostituées, a signé en France divers textes féministes. Plutôt que de prôner des lois répressives qui au final désavantagent toujours plus lourdement les femmes que les hommes, elle explique comment le discours contre la prostitution est instrumentalisé par divers groupes sociaux pour servir leurs intérêts, sans égard pour les femmes. Donnant l’exemple de la France, elle révèle par exemple les dynamiques racistes de gestion des femmes immigrantes par le biais de la supposée lutte aux réseaux de traite de femmes.
Francis Dupuis-Déri