Son auréole n’est pas aussi visible que celle de Roger Moore dans Simon Templar, dit le Saint. Mais c’est un demi-dieu dont les médias français parlent à la troisième personne, en disant « il ». Ou bien en l’appelant révérencieusement « le président Obama » et en lui tressant des lauriers. Certes, il ne manque pas de qualités, mais il faudra bien un jour pointer ses défauts.
On le compare à Kennedy. Avec son côté rock star qui déclenche une ferveur quasi mystique, Barack Obama est effectivement un Kennedy de l’ère numérique. Il a su fédérer autour de sa personne. Son charisme et son talent sont indéniables. Il a aussi profité à plein de la crise financière et du rejet de Bush : une majorité de gens pensent en fait que la chute du dictateur irakien n’a pas contribué à stabiliser la région ni à pacifier les relations entre l’Occident et le monde musulman.
À travers Obama, les Américains ont élu un Jimmy Carter, le « type sympa », le contraire du repoussoir Nixon, celui qui ferait de nouveau aimer l’Amérique en dépit du Vietnam. Ils ont enfin élu un François Mitterrand, au sens où ce dernier incarnait l’alternance face à une droite indéboulonnable. Certes, Obama s’est gardé des promesses démagogiques de Mitterrand dans le domaine économique, mais sa venue incarne, à elle seule, une promesse pour ainsi dire morale. Grâce à lui, des Afro-Américains ont le sentiment de « participer pleinement à l’esprit de la nation » (selon la formule de l’écrivain Richard Wright dans Une Faim d’égalité1).
Cette dimension d’alternance morale est semée d’embûches. L’alternance ne doit pas devenir une revanche et la morale ne doit pas se corrompre en moralisme abstrait. En politique étrangère, il faut éviter l’écueil de ce manque de discernement du moindre mal qui conduisit, naguère, les démocrates à saper l’autorité du Shah d’Iran au profit d’une révolution khomeinyste bien pire.
En politique intérieure, l’élection d’Obama est guettée par une déception proportionnelle aux espérances suscitées. Le mitterrandisme avait pâti de mauvais résultats économiques doublés d’un parfum de népotisme narcissique et de confiscation clientéliste. Obama ne doit pas oublier qu’il a choisi comme colistier Joe Biden, en raison notamment de ses origines modestes, pour tenter de rallier les suffrages de ce petit peuple blanc dont la majorité a déserté le parti démocrate sous Reagan, ces cols bleus et ouvriers qui, s’ils bâtissent des gratte-ciels, sont méprisés par les intellectuels lefties sous le sobriquet de hard hats. Barack Obama a toujours voté avec l’aile gauche du parti démocrate et, sans adopter le langage hautain de l’extrême gauche, a eu tendance à présenter Bush comme une aberration : « Je veux qu’on me rende mon pays, l’Amérique » (le 3 novembre 2008 dans l’Ohio). Ce à quoi les républicains ont répondu, avec fair-play patriotique, au soir de son élection : « On est tous des Américains ».
TOUT UN SYMBOLE
Il sait mettre en scène son ego et son verbe. Il a l’art de s’exprimer en termes moraux et de commenter ses propres décisions. Il trouve les bonus de Wall Street « irresponsables ». Confronté à une opposition parlementaire, il juge « inexcusable et irresponsable d’être ainsi bloqué et retardé pendant que des millions d’Américains sont licenciés ». Puis, quand la législation est adoptée, il parle de « bonne nouvelle ». Quand il place une latino de gauche à la Cour suprême, il qualifie cette nomination de « jour merveilleux ». Inutile de lui décerner des satisfecit, il s’en occupe personnellement.
Il a un curieux sens du timing. Mauvais pronostic optimiste à la mi-avril, juste avant une rechute passagère des marchés. Lors du sommet de l’OTAN, la Corée du Nord répond sur-le-champ à son discours pacifiste par un tir de missile. Il annonce qu’il ferme Guantanamo, mais c’est pour dans un an seulement, et il n’a pas de solution de rechange, ce que critique le chef de file des démocrates au Sénat. De surcroît, les écoutes sans mandat de citoyens américains restent en vigueur, ainsi que la « délivrance exceptionnelle » (livraison de terroristes à des pays alliés moins regardants sur la façon de les interroger).
En juin, c’est la main tendue au monde musulman. Il déconcerte les initiés en s’inclinant bien bas devant Abdallah d’Arabie, un prince que, selon la tradition, ses sujets tutoient virilement. Puis il prononce un discours ponctué de formules complaisantes sur « la République islamique » d’Iran ou « le saint Coran ». Il attaque les pays européens qui « empêchent les musulmans de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent, par exemple en dictant ce qu’une musulmane devrait porter ». En face, l’hostilité islamiste ne résulterait que de « facteurs transitoires », ce qui disculpe l’Islam, comme l’observe André Grjebine2. Obama se repent des seuls crimes occidentaux et développe l’idée d’une « dette » de l’Occident devant un Islam auquel il prête, sans rire, l’invention de l’imprimerie et une « tradition de tolérance ». Récusant un comportement occidental qui justifierait « l’hostilité envers la religion sous couvert de libéralisme », il en vient même à lier Jefferson à l’islam… Celui-ci, pourtant, prônait la noble modération permise par la Constitution d’une nation qui favorise les contre-pouvoirs.
En août, il s’affiche publiquement « pote » avec un collégien de 11 ans qui aime les mangues. Autre ambiance « super-sympa », il boit un pot avec un policier blanc et un universitaire noir qui se regardent en chiens de faïence. Obama ne se laisse jamais démonter, mais commence à dévoiler ses préjugés de diplômé d’université. Il avait qualifié de « stupide » l’intervention du policier qui s’était heurté au mépris agressif de l’intellectuel. Et il trouve un peu ridicules ceux qui s’opposent à sa réforme du système de santé. C’est la grille de lecture des intellectuels qui croient que ceux qui ne pensent pas de la même façon sont des sous-doués guidés par des peurs irrationnelles.
Que certains républicains répandent des rumeurs infondées est de bonne guerre. Que certains citoyens y croient n’est pas un signe de stupidité, mais repose au contraire sur une indéniable base objective et rationnelle : le fait qu’il était arrivé qu’on leur cache des choses, notamment quand les intellectuels de gauche ont nié que le deuxième prénom de Barack Obama était Hussein avant de le claironner une fois celui-ci élu. Plus généralement, la question n’est évidemment pas que la réforme du système de santé s’attire des critiques infondées, mais que des républicains modérés s’opposent à elle et que des démocrates modérés aient aussi des doutes3. En mars 2009, le président américain promettait une couverture santé pour tous, c’est-à-dire une réforme plus ambitieuse que celle annoncée durant sa campagne avant la crise, tout en assurant qu’il n’augmenterait que les impôts des riches. Trouvant cela démagogique, beaucoup n’acceptent pas d’engager une réforme dont le financement est aléatoire.
UN PILIER DE LA SAGESSE
Il se pose en chevalier blanc, mais ses déclarations sur la finance ne sont pas à prendre pour de l’argent comptant. Un banquier considère que « sur les rémunérations, Obama est devenu amnésique… Regardez qui a financé sa campagne et vous comprendrez ». Un analyste financier ajoute : « Obama est conseillé par des anciens dirigeants de Wall Street », dont beaucoup de proches de Goldman Sachs4. Lors du troisième G20, des bonus limitables sont décidés grâce aux efforts de Nicolas Sarkozy, et contre le conformisme d’Obama qui avait lancé auparavant : « Pourquoi devrions-nous plafonner les primes des banquiers de Wall Street, mais pas celles des entrepreneurs de la Silicon Valley ou des joueurs de la NFL [la ligue de football américain] ? ».
Il récompense des gros contributeurs de sa campagne électorale en les nommant ambassadeurs. À cet égard, il dépasse la moyenne des 30 % de nominations politiques établie par ses prédécesseurs5. Cela dit, il ne se montre pas trop sectaire dans ses nominations, au grand dam de l’extrême gauche qui a contribué à son élection. Comme disaient déjà les mauvais esprits républicains sous Clinton : on peut compter sur lui pour nommer uniquement des personnes capables et compétentes, même si ce sont des mâles blancs. En septembre, le président qui, depuis sa prise de fonction, prononce plus d’un discours par jour, adopte une nouvelle stratégie de communication axée sur l’image, en ne répondant plus que rarement aux questions des journalistes. L’extrême gauche se sent menée en bateau et manifeste contre la guerre en Afghanistan.
Il fait une gaffe, en annonçant que les États-Unis renoncent à protéger la Pologne avec un bouclier antimissile le jour même de la commémoration dans ce pays de l’invasion soviétique. Il faut dire qu’il était soucieux de s’arroger aux yeux de l’opinion publique cette déclaration pacifiste, laissant le secrétaire à la Défense, Robert Gates – qui fut membre de toutes les administrations républicaines depuis Nixon –, préciser que les États-Unis ne renonçaient pas à tout système de défense antimissile en Europe. Ce genre de stratégie à géométrie variable laisse de marbre la Russie : de toute façon, le programme américain était déjà grippé, faute de crédits en pleine crise économique. En guise de remerciement, la Russie refuse de nouvelles sanctions contre l’Iran et Poutine critique la « propension à imprimer excessivement des dollars ».
Par un mélange de naïveté et de présomption, il s’était imaginé un destin grandiose à la tête d’une Amérique souriante, qui tend la main, voire l’autre joue, en escomptant la réciproque. Mais dans l’Orient compliqué, quelquefois « le mensonge est le contact premier, la façon initiale de prendre l’ascendant sur le partenaire6 ». Certains ne cherchent qu’à exploiter la faiblesse du président le plus à gauche et le plus inexpérimenté de l’histoire américaine. Et pas seulement côté iranien.
Le 6 octobre, les marchés ont peur en apprenant que les monarchies du Golfe discutent en sous-main avec la Chine, déjà appuyée par la Russie et le Brésil dans son dessein de détrôner le dollar au profit d’un panier de devises comme monnaie de paiement des matières premières. Obama hésite, et on ne sait toujours pas s’il va renforcer ses troupes en Afghanistan. Il n’a pas craint la démagogie, durant sa campagne, en répétant à tue-tête que Bush s’était trompé en Irak, car c’est en Afghanistan qu’on coincerait Ben Laden. Il pouvait difficilement ignorer que l’administration Bush avait décidé de balayer Saddam Hussein, non par erreur, mais pour frapper de stupeur, sur leurs trônes, les soutiens présumés de Ben Laden. Une stratégie discutable mais cohérente, qu’il n’y avait pas lieu de tourner en dérision. Surtout quand on n’a pas compris que l’Afghanistan est un territoire impossible, que depuis la nuit des temps les caravanes bien obligées de passer par là se font piller, razzier ou rançonner : les témoignages sont unanimes. Les intellectuels adversaires de toute forme de culturalisme manquent parfois de culture.
UNE CANONISATION
Le 9 octobre, à la veille d’une attaque des islamistes contre le quartier général de l’armée pakistanaise, Obama, aux prises avec la realpolitik en Afghanistan, se voit attribuer le prix Nobel de la paix. Stupéfaction générale. Les personnalités sensées pratiquent l’understatement. Le président Finlandais Martti Ahtisaari, précédent prix Nobel de la paix, déclare : « Bien sûr, cela met la pression sur Obama. Le monde attend qu’il réalise aussi quelque chose ». Angela Merkel ironise également de son côté : « C’est une incitation pour le président Obama et pour nous tous à faire encore plus pour la paix ». Quant à Michael Steele, le dirigeant du Parti républicain, étant Noir, il peut plaisanter sur la « super-génialité » d’Obama.
Cela traduit un profond malaise dans la civilisation. Cet encouragement pour des espoirs suscités, au lieu d’une distinction pour des sacrifices consentis et des réalisations accomplies, consacre le triomphe de l’image et du verbe. Résultat d’un plébiscite médiatique qui est l’une des plus vastes entreprises de propagande que la planète a connues. L’Occidental culpabilisé porte-t-il en triomphe un président métis pour s’absoudre du péché de racisme de ses pères ?
Son accession au job le plus prisé du monde s’était faite avec l’ardente bénédiction des élites. S’il gagnait, c’est qu’il était le meilleur ; s’il perdait, c’est que les Américains étaient racistes. Coup double dans cette élection transformée en référendum pour ou contre un Noir président des États-Unis. Obama ne pouvait pas perdre l’élection présidentielle, mais seulement être vaincu par le racisme latent, autrement dit être quand même vainqueur moralement. En vérité, il y a sans doute eu plus de gens votant pour lui à cause de la couleur de sa peau que de gens ne votant pas pour lui à cause de cela.
Cette ingérence des élites, annulant la liberté de choix des peuples, venait d’être réactivée par des déclarations de Carter, ancien prix Nobel de la paix, accusant de racisme l’opposition à la réforme du système de santé. Le jury d’Oslo a donc délibéré dans ce contexte. Il a aussi délibéré pour donner raison aux élites norvégiennes dans un climat de politique intérieure particulièrement tendu. Au terme d’une décennie marquée par un boom de l’immigration, les dernières élections norvégiennes se sont, en effet, jouées autour du thème de l’intégration. Pays prospère, la Norvège est culpabilisée par son abondance, taraudée par la mauvaise conscience et tyrannisée par le chantage au racisme qui décourage la gestion des flux migratoires.
Qu’Obama n’ait obtenu aucun résultat concret ne fait donc aucune différence. C’est une sorte de fête de la nativité. Loué soit Obama. Cette moderne béatification du justicier masqué fera pleurer Margot dans les chaumières. Car l’« obamania » est une émotivité hollywoodienne, presque un engouement adolescent. D’ailleurs, Michele Obama est glamour, même quand elle est triste parce que le comité olympique n’a pas choisi Chicago. Les jurés du Nobel de la paix ont délivré à son mari un sauf-conduit.
Il s’agit de le rendre inattaquable, de l’immuniser contre la critique. Argumenter contre lui et contre ceux qui abdiquent leur esprit critique devant lui reviendrait peu ou prou à servir de noirs desseins. On veut faire croire que des forces pourraient se liguer contre lui, pour l’empêcher de continuer sur la bonne voie ou pour attenter à ses jours. Par une inversion de perspective, la menace d’attentat qui plane ne serait plus islamiste, mais « kukluxklaniste ». Au-delà, la lie de la terre, c’est l’Amérique profonde, cette Amérique qui fait peur et dont l’inquiétante propagande risque d’armer le bras d’une canaille régicide.
En réalité, comme le souligne le Financial Times, qui lui suggère de décliner cet honneur pour le laisser à d’autres, le prix Nobel de la paix s’adresse, en principe, soit à ceux qui combattent l’oppression au péril de leur vie (Walesa, Mandela), soit à ceux qui ont su faire les concessions nécessaires à la paix. Ajoutons que, même dans ce second cas, ils mettent aussi leur vie en jeu, cette fois face aux extrémistes de leur propre camp : Yitzhak Rabin l’a payé de sa vie et Gorbatchev aurait pu se heurter à l’appareil communiste. Mais Obama, qui croule déjà sous les honneurs, a préféré jouer sur les deux tableaux, annonçant immédiatement le reversement du montant du prix à une œuvre caritative. Il soigne ainsi sa légende pour apparaître encore un peu plus généreux. Quant au communisme, il ne s’en soucie guère : à un mois de la célébration des vingt ans de la chute du Mur, il n’a pas encore daigné répondre à l’invitation d’Angela Merkel.
Se surajoute un autre univers de sacralité. Censée être celle d’un intellectuel, la réussite d’Obama est chargée de régénérer la société en la purgeant d’infâmes résidus de populisme. La forme moderne de l’anoblissement, c’est d’être considéré comme un intellectuel engagé et consacré comme conscience morale. Plus besoin de mettre en conformité ses paroles et ses actes. Oint du sceau de la moralité, quoi qu’il fasse, ce qu’il dit sera considéré comme émanant d’une personne respectable, voire intouchable. Même s’il ne crée pas d’emplois et ne pacifie pas de conflits.
L’« obamania » provient, enfin, de la diabolisation du néoconservatisme et des années Bush. En France, de bons esprits de droite pondérée ont accolé à Bush le qualificatif d’« obscurantiste ». Nul ne s’inquiète, en revanche, du pourcentage notable de sympathisants démocrates qui souscrivent à des théories conspirationnistes sur le 11 septembre. Ni de l’inversion de perspective, fréquente chez les jeunes esprits et les esprits faibles, qui consiste à regarder les attentats du 11 septembre comme la riposte à une politique anti-arabe antérieure de Bush.
Au total, Obama n’a pas l’air de faire un plus mauvais président que Bush. À juste titre, il a réclamé plus d’intégrité dans l’attribution des marchés publics. C’est un passif, souvent oublié, du bilan des mandats de Bush, une présidence qui n’a pas tenu ses promesses dans le domaine économique. De splendides discours sur l’état de l’Union relatifs au problème des retraites ou à la conquête de l’espace et, au bout du compte, peu de réalisations. En dépit de bonnes actions, comme un renforcement de l’aide au développement qui fit apprécier Bush sur le continent africain.
Le problème actuel est que, pour faire la paix, il faut être deux, et ne pas prendre ses désirs pour des réalités. Dans le sillage de déclarations d’Obama espérant « voir le jour où les armes nucléaires seront éliminées de la surface de la Terre », le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 24 septembre, la résolution 1887 visant à « créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires ». On met la charrue avant les bœufs, en congédiant ce qui fut le gendarme dissuasif du monde pendant un demi-siècle, sans apporter de protection contre les armes chimiques ou bactériologiques.
A l’encontre de l’adage si vis pacem para bellum, il est risqué de trop préparer la paix sous les projecteurs des médias et les vœux pieux réconciliateurs. Comme il nous manque un Raymond Aron pour nous mettre en garde contre ces enfantillages ! « Je ne suis pas la conscience universelle », aimait-il à dire. Confronté à la corruption des bonnes intentions, à la manipulation de l’enthousiasme et des « bons sentiments », Aron arrête sa ligne de conduite dès 1937, dans un article où il déplore que les intellectuels « justifient et attisent les passions ». Il se tue alors à le dire et à l’expliquer, plutôt que de réagir à tort et à travers : « les intellectuels devraient avoir une compétence économique, diplomatique, politique, etc.7 ». Le jeune sociologue traçait une voie qui passait par la pensée économique et la réflexion stratégique afin de parfaire sa compréhension du politique. À propos du nucléaire, il préconisait « une politique sans sermon8 ».
Ce prix Nobel verse un peu plus d’émotion encore au moulin de l’« obamania », sans qu’Obama ait la moindre réussite à son actif. Dans ces conditions, il est à craindre que sa présidence ne soit rattrapée par une forme de mitterrandisme, ce chantage moralisateur qui favorisa la dérive courtisane qui guette les chefs d’État banissant de leur entourage le franc-parler. Même les éditorialistes de gauche du Washington Post sont las de ce narcissisme. Mais ne nous y trompons pas : ce chantage moralisateur pourrait l’imposer une seconde fois à la délibération démocratique, même après une phase record d’impopularité. Pour lors, il reste à évaluer sa politique face à la crise économique. Après une première phase d’exercice du pouvoir peu concluante, Barack Obama pourrait d’ailleurs s’adapter aux exigences du réel et savoir, contrairement à son prédécesseur, faire machine arrière.
NOTES
Marc Crapez est un chercheur associé à Sophiapol (Université Paris-X).
1 Paris, Gallimard, 1979 ; traduction de American Hunger, New York, Harper & Row, 1977.
2 A. Grjebine, Le Monde, 4 juillet 2009.
3 C. Crook, Financial Times, 17 août 2009.
4 La Tribune, 8 juillet 2009 ; M. Fiorentino, La Tribune, 10 juillet 2009.
5 B. Knowlton, International Herald Tribune, 17 août 2009.
6 A. Besançon, Commentaire, no. 116, hiver 2006-2007, p. 927.
7 Cité dans R. Aron, Mémoires. 50 ans de réflexion politique, Julliard, 1983, p. 79 et p. 144.
8 R. Aron, « Pour une politique sans sermon », Le Figaro, 4 septembre 1963.