Dans un petit ouvrage[2] on ne peut plus triste par son propos et désespérant par la vision projetée de la condition québécoise[3], Serge Cantin laissait entendre, si je saisis bien le sens de son argumentation, qu'aimer et comprendre le Québec c'était d'abord se réconcilier avec la pauvreté de ses origines en tant que Québécois, c'était reconnaître la pauvreté québécoise en soi. Une pauvreté matérielle bien sûr, comme découlant de l'action aliénatrice, usurpatrice et dénégatrice des Autres contre le groupe ; mais une pauvreté surtout mémorielle, comme résultant de l'oubli des héritiers envers l'action fondatrice des ancêtres, une action appelant avenir de continuité et prise en charge, par les contemporains, du legs de douleur et d'espoir — celui d'une libération salutaire — transmis par les anciens.
En finale de son livre, Cantin écrivait : «La nouvelle Révolution tranquille du Québec sera une révolution de la Mémoire ou ne sera pas». La formule du philosophe est juste. Mais le raisonnement qui la fonde et l'appelle est erroné ; et l'horizon introspectif, sinon prospectif, ouvert au groupe par sa thèse, inlassablement reprise dans les deux cent pages du recueil, rien de moins que désolant et inendossable.
Misère et mélancolie.
Lire l'ouvrage de Cantin est une expérience intellectuelle déprimante. Non seulement les Québécois y sont-ils décrits grâce à un répertoire d'épithètes empreintes de misérabilisme, mais ils sont également dépeints comme inconscients de leur propre aliénation. Inconscients parce qu'oublieux de leur tourment séculaire — un oubli qui les égare dans les limbes de l'hésitation et de l'étiolement, incapables d'assumer leur destin et de passer, enfin, de l'état de «nation culturelle» à celui de «nation politique». Inconscients aussi parce que prompts à se laisser griser par les mirages avilissants de cette espèce de matérialisme faussement réenchantant venant du Sud ou de l'autre côté de la rivière des Outaouais, un mirage les berçant d'illusions, les dopant de paradis artificiels et les détournant de leur destinée historique. Inconscients enfin — mais malgré eux cette fois — parce qu'ayant intériorisé en leur identitaire le regard rabaissant et traumatisant, voire injurieux, de l'Autre, un regard hantant encore leur imaginaire et leur conscience d'être.
Cantin n'est évidemment pas le seul à représenter la condition québécoise sur le mode de la tragédie, de l'hibernation, de l'infléchissement du parcours, de la survivance dans le repli et le retrait, et quoi encore. Cette vision triste, voire accablée, du passé du groupe, est celle que tous les grands intellectuels canadiens-français et québécois, depuis Garneau jusqu'à Dumont, ont bâtie de bonne foi et de bonne guerre — bien qu'avec des degrés de nuancement, de subtilité et de complexité variables. Cette histoire de ce qui fut s'est imposée chez ces monuments de la parole collective moins par exigence objective du passé lui-même — comme si l'ayant-été pouvait entièrement déterminer ses configurations narratives — que par souci des intéressés, compte tenu de la précarité réputée et assumée du groupe, voire de la mort éventuelle de la nation dans son existence empirique, d'établir une complicité morale avec les leurs. Dans l'esprit de ces initiateurs de conscience historique, la fragilité constitutive du groupe exigeait en effet de porter le pays comme un enfant. C'est ainsi que, pour eux, la mémoire devait être au commencement de la méthode, la misère devait structurer l'objet, la mélancolie devait donner le ton du texte et le texte devait nourrir la mémoire. À défaut de boucler cette boucle identitaire fondée sur une espèce d'inoubliable dèche collective — une dèche causée par le repoussement de l'Autre, bien sûr —, l'avenir du groupe se voyait menacé. Oublier sa condition de victime dans l'Histoire, c'était en effet se donner fausse conscience de soi. C'était aussi risquer de ne plus se voir comme perdant. C'était surtout — ô malheur ! — assumer que l'attitude attentive, accommodante et pragmatique du collectif, avec ses postulats et ses conséquences politiques peu glorieux mais fort efficaces, était effectivement le principe cardinal de l'expérience passée et l'horizon envisageable du groupe. Comme si, en dehors de la souffrance, les Québécois cessaient d'exister, se désolidarisaient de ce qu'ils étaient et répudiaient le lieu originel et fondateur de leur identité réputée : Saint-Sauveur Viarge[4].
Il faut l'admettre, le peuple québécois n'a jamais comblé ceux qui se sont donné pour mission de le conceptualiser comme groupement par référence. Voilà pourquoi plusieurs penseurs ont sombré dans une mélancolie à n'en plus finir, certains indignés que le peuple soit continuellement infidèle à son identité octroyée, d'autres frustrés qu'il ne s'affranchisse pas de ses dominations présumées, d'autres encore, s'accrochant à une agréable rêverie, espérant qu'il finisse par comprendre. Bien que l'on ne compte plus, tant ils sont nombreux, les travaux savants décrivant l'expérience historique des Québécois sous un jour positif, il est un réflexe ultime, apparemment inexpugnable, qui perdure dans l'esprit et la prose de bien des petits et grands paroliers, soit de pleurer le sort plus ou moins manqué ou inaccompli du groupe. Dans un texte présenté comme une mise au point sur l'état et l'avenir du nationalisme dans la société québécoise, Gérard Bouchard, l'un des historiens québécois le plus remarqué de sa génération, reprenait à son tour l'éternelle complainte du destin inachevé et de la culture qui ne s'est jamais complètement exprimée — une complainte qui me semble tout à la fois complémentaire et contradictoire par rapport à ses thèses critiques à l'endroit des représentations traditionnelles du Québec — en écrivant : «Des tendances, des aspirations collectives parmi les plus légitimes et les plus fondamentales attendent toujours de s'exprimer [au Québec]. […] Il y a ici un rêve continental, américain, qui sommeille, captif de nos ambiguïtés et de nos hésitations[5].»
Cette sentence, caractéristique d'une vision et d'un discours fort répandus, sinon dominants, voire axiomatiques, dans l'espace historial et mémoriel québécois, reste au fond prisonnière de cette mélancolie qui surdétermine ou inspire l'histoire par laquelle l'on donne sens, cohérence et matière dense au passé des Québécois. Chacun des mots utilisés par Bouchard transpire en effet le désappointement, l'embarrassement, la contrariété devant ce qui est observable et diagnostiquable : la refondation apparemment inachevée des Québécois et l'amphibologie caractéristique de leur agir, une (in)disposition tout de même modifiable si certains obstacles étaient levés. Comme si les Québécois, dans ce qu'ils sont effectivement, se voulaient désespérants de ne jamais être et faire comme il se doit, se contentant plutôt d'exister dans un état perpétuel d'inaccomplissement. Comme si leur hésitation et leur ambiguïté, décevantes évidemment, n'étaient pas des objets à conceptualiser et à assumer peut-être, mais des problèmes à résoudre et des maux à révoquer. «La tragédie du colonisé, écrivait Louis Cornellier dans un article récent où il soulignait et réprimandait encore une fois la désinvolture dont font preuve les Québécois à l'égard de leur sort, de leur mémoire et de leur avenir, c'est que plus son état s'aggrave, plus les sursauts de conscience lui font défaut[6] .»
Peut-on, doit-on continuer de conceptualiser de manière aussi désespérée et vexée, avec en latence l'espoir d'un changement de donne aussi salutaire que magique, l'expérience historique des Québécois ? Quand finira-t-on de pleurer l'assoupissement supposé du géant ? Quand cessera-t-on de parler, pour décrire la condition du groupe, de destin raté, de parcours brisé ou infléchi, de décrochage confus, d'itinéraire empêché par les autres et par soi-même, pour, au contraire, endosser les choix de toujours de ce groupe en l'amenant à se reconnaître comme il est, c'est-à-dire ambivalent dans son être, démarche de reconnaissance qui pourrait constituer le lieu de sa véritable libération ?
Il est permis de croire que la fatigue politique ou culturelle du Québec français à se débattre et à se défendre, si tant est que pareille humeur se vérifie, est d'abord l'expression d'une fatigue intellectuelle de ses grands et petits penseurs, tout au moins de ceux et celles qui instruisent, modèlent et boulonnent la conscience historique du groupe, plutôt qu'elle ne traduit un état d'être du peuple. Penser l'expérience québécoise en dehors du triptyque misère-mélancolie-refondation, qui n'est que la reprise locale d'une problématique plus générale dont les termes principaux sont ceux de la souffrance, des lamentations et de la délivrance, commande une rupture épistémologique apparemment difficile à réaliser pour ceux qui ont la faculté, le devoir et la responsabilité de dire. C'est pourtant là le défi qui est à l'ordre du jour, car, de toute évidence, le récit misérabiliste et mélancolique a épuisé, auprès de ceux à qui il est destiné depuis toujours, l'objet de son imagination.
Une révolution de l'histoire.
Cela ne fait aucun doute à mon esprit : l'avenir des Québécois, dans le cadre du Canada ou en dehors, passe aussi par un nouveau rapport du groupe à son passé et par une reconformation des paramètres de son histoire et de sa mémoire collectives colligées[7].
S'atteler à cette tâche de reconformation historiale et mémorielle du parcours collectif — une entreprise moins liée à la production de connaissances inédites qu'à l'abandon d'une perspective sur le passé et d'un mode de mise en narration de ce passé — n'est pas une besogne simple à exécuter, ni peut-être moralement facile à accomplir. Et pour cause : elle oblige en effet celui qui entend la réaliser à rien de moins qu'«impenser» son pays, c'est-à-dire à se situer et réfléchir en marge de l'histoire généralement pensée de ce pays qu'il aime et auquel il appartient[8]. Cette opération exige également, de la part de celui qui s'y livre, de rompre avec une tradition intellectuelle tracée par de formidables paroliers, le dernier en date étant Fernand Dumont, penseur puissant dont l'œuvre marque décisivement la conscience historique contemporaine des Québécois.
«Impenser» l'expérience historique québécoise, au sens que je l'entends, c'est déconstruire et se détacher des topiques et des tropes par lesquels le passé et la condition de ce groupe ont été révélés à l'entendement collectif, des topiques et des tropes sur lesquels s'est élevée et repose toujours la conscience historique de la communauté. En pratique, qu'est-ce à dire ?
Pénétrer les figures impensables de la condition québécoise, c'est d'abord s'extirper résolument de cette espèce d'épistémologie empreinte d'abattement et de nostalgie, tout entière fondée sur les concepts de misère et de pauvreté, qui nourrit la réflexion des grands intellectuels d'ici, poètes tout autant que savants, sur la condition des gens d'ici[9]. Il m'apparaît impératif que l'on cesse d'entretenir cette idée voulant que les Québécois appartiennent au «prolétariat» de l'histoire et que, de cette condition, découle ce que l'on perçoit et décrit chez eux comme étant une «mentalité hésitante», un «réflexe défensif», un «complexe de peureux» et une «conscience négative d'être». Cette vision pessimiste du groupe est non seulement remise en cause par les travaux récents, elle empoisonne toute possibilité d'envisager la réalité québécoise dans sa polyvalence et ses nuances, c'est-à-dire dans son ambivalence fondatrice et constitutive. Plus encore, elle rend impossible la conceptualisation adéquate des tensions et complétudes — dont les dynamismes sont souvent imprévisibles — entre la socialité, la société et la communauté, niveaux et sphères de vécu, d'institué, de perçu et de glosé dans lesquels se meuvent les acteurs emportés par leur raison sensible tout autant, sinon davantage, que par une quelconque mentalité d'agents interpellés par leur culture. En fait, cette vision pessimiste empêche de tirer profit, à sa juste valeur, d'une notion aussi féconde que celle de «groupement par référence», par exemple.
Pénétrer les figures impensables de la condition québécoise, cela veut dire aussi se doter d'un répertoire de concepts intermédiaires, à vocation empirique plutôt que téléologique, qui permette de révéler la réalité historique dans ses confusions et ses équivoques, dans ses contradictions et ses tourments, dans ses tiraillements et ses tâtonnements, dans ses aventures et ses tensions, plutôt que dans son caractère univoque ou son mantra apparent, ou dans son processus constitutif et cumulatif.
À cet égard, je pense sérieusement que les concepts de «nation» et de «peuple» québécois, utilisés comme ils le sont la plupart du temps, c'est-à-dire comme renvoyant à une réalité cumulative, déterminante et totalisante, sont, d'un point de vue méthodologique, contraignants plutôt que féconds pour saisir la réalité complexe des croisements contradictoires et complémentaires qui se matérialisent entre les niveaux de la socialité, de la société et de la communauté québécoise francophone formant entité et définissant largement, mais non pas totalement, la formation sociale du Québec.
S'agissant de cette communauté, dont on ne peut nier l'existence, il y aurait lieu, pour aller dans le sens de mes vues, de l'envisager sur le mode de la communauté communicationnelle et historiale. Comme une communauté, donc, en évolution continuelle, en tension permanente avec la société et les socialités sur lesquelles elle s'élève et qu'elle inspire et dément tout à la fois. Comme une communauté n'étant ni achevée, ni inachevée. Comme une communauté à la trajectoire non programmée, non théorisable et non anticipable. Comme une communauté aux frontières continuellement franchies par ses «sujets». Comme une communauté déterminée par l'histoire plutôt que la déterminant. Comme une communauté existant comme un processus ouvert plutôt que renvoyant à une graine originelle plantée par les ancêtres et appelant un quelconque avenir de continuité.
Il est toute une série d'autres concepts, métaphores et images sur lesquels il faudrait revenir pour se donner les moyens d'accéder au passé québécois dans ses figures impensables. Au premier chef, celui de société globale. Ce concept, qui possède sa propre histoire dans l'émergence de la sociologie comme discipline, a fondé une représentation — ou plutôt une conscience — de la société québécoise qui a rendu possible son interprétation historique et contemporaine en tant qu'entité pensée et pensable en soi, sorte de tout recouvrant des pratiques de convergence, un tout dont on pouvait retracer le passé comme tel et que l'on pouvait, pour cette raison, décrire comme une entité inachevée, tronquée, brisée, cassée, aliénée, opprimée, etc., bref comme une culture dont le projet était sans cesse compromis dans la mesure, précisément, où la société globale québécoise ne s'achevait pas, restait en état d'inaccomplissement[10].
Envisager la réalité historique québécoise sous l'angle de la société globale, ne nous trompons pas, est une position idéologique et non pas empirique. Il faut en mesurer les failles. Ce concept ne permet tout simplement pas d'accéder à la socialité, à la société et à la communauté dans leurs fugacités et leurs volatilités, dans leurs plis, leurs divergences et leurs polyvalences jamais complètement synthétisées. Il empêche de saisir l'expérience québécoise comme étant ambivalente et mouvante ou, ce qui est une autre façon de dire la même chose, de poser l'ambivalence et la mouvance comme arbres articulants, et non pas seulement digressions gênantes, de l'expérience québécoise. Il ne permet que de factualiser la «misère à être» de la culture — en ce cas-ci la nation — et de nourrir en conséquence la mélancolie de l'observateur désespéré de voir cette culture tant tarder à être.
Je crois que l'on pourrait de même, pour accéder au passé québécois dans ses figures impensables, remettre décisivement en cause cette idée selon laquelle l'histoire du groupe n'a toujours consisté qu'en une lutte de survivance. On sait que la survivance est habituellement décrite comme une stratégie de repli de la part du groupe investi de l'extérieur ou miné de l'intérieur. En clair, la survivance est une «mise en hibernation» du groupe coïncidant avec sa «mise en réserve» et découlant de l'action complémentaire, sinon concertée, des héritiers du Conquérant et de sa lieutenance locale.
Cette interprétation me semble un peu courte. À mon avis, la «survivance» — j'emploie le terme avec des pincettes — doit être envisagée comme une entreprise de consolidation du groupe dans un contexte d'interaction culturelle et de phénomènes migratoires majeurs marquant l'Amérique du Nord pendant tout le XIXe siècle. La «survivance» n'a par ailleurs toujours constitué que l'un des volets d'une recherche de positionnement du groupe dans un espace bien plus grand, à savoir le Canada et l'Amérique du Nord, recherche dont l'adhésion au pacte confédéral et au projet canadien était une composante tout aussi importante. Prétendre que le passé québécois se résume d'abord et avant tout à une lutte de survivance, à nouveau, n'est qu'une façon de raconter et de recentrer (ou de décentrer) le passé du groupe à l'aune de la métaphore de la crucifixion continuelle.
Ma vision des choses est différente : le passé québécois, si tant est que l'on s'en tient à l'une de ses dimensions cardinales, à savoir la quête affirmationniste du groupe, a bien plus consisté en la recherche d'une position intermédiaire optimale, satisfaite et tranquille, entre le spectre de l'assimilation et celui de la marginalisation, qu'en une volonté de s'autonomiser complètement ou de se refermer sur soi en s'écrasant. Cette recherche, si elle a été caractérisée par ce que certains ne cessent de voir comme des replis, a tout autant été marquée par des victoires, voire par des avancées notables, y compris dans leur caractère inusité.
La recherche de cette position optimale intermédiaire, par ailleurs, ne doit pas être perçue comme étant l'expression d'une entreprise de construction par la négative ou dans le malheur du Nous les Québécois. Elle a plutôt été la manifestation d'une volonté assumée, par la majorité, de construire le groupe dans l'ambivalence en maintenant la trajectoire du collectif dans l'espace bienheureux tracé par les deux lignes du risque calculé que constituaient, d'une part, le Québec, et, d'autre part et successivement, l'Empire, le Dominion et le Canada.
Je ne m'étendrai pas outre mesure sur la perspective ouverte par cette thèse, car j'en aurais pour des pages. Disons qu'elle oblige à revenir sur l'interprétation conventionnelle du passé du groupe et ce, depuis la Nouvelle-France jusqu'à nos jours en passant par les rébellions de 1837-38 — qui n'ont jamais eu le caractère déterminant qu'on leur a prêté dans la destinée collective, ce qui ne veut pas dire que certains horizons d'attente n'aient pas été suspendus dans l'échec des émeutes —, en passant par le siècle supposé de l'«hibernation» québécoise — ces cent ans n'ont pas coïncidé avec une période de mise en réserve et de repli sur soi, bien au contraire —, en passant par l'époque duplessiste — que l'on ne peut plus associer au dernier hoquet d'arriération du groupe —, en passant par la Révolution tranquille — qui ne constitue pas une rupture décisive du groupe par rapport à son ambivalence antérieure — et en passant aussi par le projet actuel de souveraineté-partenariat — qui marque l'adaptation de l'affirmationnisme québécois aux conditions posées par la mondialisation économique.
Que l'on me comprenne bien : en insistant sur l'ambivalence d'êtres comme principe cardinal de l'expérience historique québécoise, je n'entends pas nier que le groupe ait été en situation de domination, qu'il ait fait face à l'adversité, qu'il ait dû affronter toutes sortes d'irritants, qu'il ait connu le malheur et qu'il ait subi des formes plus ou moins accentuées de minorisation, de dénégation, voire d'exclusion. C'est le contraire qui est vrai[11]. Mais ces accablements n'ont toujours coïncidé qu'avec l'une des facettes de la condition globale du collectif. Celui-ci n'a jamais fait du cimetière, ni du presbytère d'ailleurs, le lieu de son élévation. Plus encore, il a toujours existé en exploitant à son avantage les données et les opportunités propres à son milieu immédiat et lointain. Construisant son identité dans un environnement complexe et changeant, orientant son devenir à partir des pôles complémentaires que constituaient le Nord (l'utopie de la refondation), le Sud (les États-Unis), l'Est (l'Europe) et l'Ouest (le Canada), le groupe s'est bâti et a globalement avancé dans le cadre d'une dynamique plurielle et polyvalente, «polygame» serait un terme cru mais peut-être acceptable, que l'on méprend pour de l'hésitation ou de la désorientation mais qui n'a toujours été que l'expression d'une sagesse prudente propre aux petits ensembles — une donne ineffaçable pour le Québec français dans le contexte atlantique et nord-américain.
Pour penser la socialité québécoise dans ses figures impensables, ou tout au moins impensées, nous disposons d'un très grand nombre d'éléments et de données empiriques. Ce qui manque, c'est la problématique, le système conceptuel, l'épistémologie permettant de réaliser cette entreprise de renarration du grand récit collectif et, par conséquent, de refondation de la conscience historique du groupe de manière que passe le passé et que l'avenir appartienne effectivement aux descendants en position de reconnaissance et de distance par rapport à leurs prédécesseurs.
En clair, les régiments de chercheurs — historiens, sociologues, politologues, etc. — qui, depuis un bon moment déjà, mettent au jour la factualité du passé québécois, ont fait un travail gigantesque de collecte de données et de ramassis d'artefacts. En plusieurs cas, ils ont débouché sur des micro-interprétations n'allant pas dans le sens du grand récit accrédité de l'histoire collective des Québécois. Mais les auteurs qui, dans des textes canoniques, ont condensé cette matière et donné à ce grand récit ses formes synthétiques successives, la Genèse de la société québécoise de Fernand Dumont étant le dernier en date, ont toujours repris, voire renforcé, la trame principale du récit plutôt qu'ils ne l'ont décisivement amendée. Ce récit est et demeure celui du projet brisé du Canada français et du Québec.
Le fait que l'on présente maintenant l'entité québécoise sous l'angle d'une «collectivité neuve» ayant historiquement bâti son américanité dans un mouvement général en quatre temps de rupture avec l'ancien monde, de recommencement, d'appropriation et d'émancipation (malheureusement partielle), ne change rien à l'affaire ni à l'histoire. Ce modèle reste au fond une thèse de recommencement collectif. Une thèse s'accordant certes avec le nouveau «paradigme» de la nation québécoise — une nation d'émergence et non pas de survivance, une nation arc-boutée à un projet social et affranchie de l'ethnicisme, une nation assumant son hétérogénéité constitutive et préconisant un idéal civique sans pour autant renier son passé —, mais une thèse ne rompant pas avec le mélancolisme larvé de la tradition intellectuelle québécoise et ne résolvant pas, à mon avis, la question complexe d'articuler, dans le cas précis du Québec, le souvenir au devenir. Selon les partisans de cette thèse, l'émancipation salutaire du groupe, dont on ne doute pas qu'elle advienne éventuellement, reste en effet — on revient ici au cercle vicieux de l'identitaire québécois — hypothéquée par la refondation inachevée du collectif, une refondation elle-même sapée par l'inaltérable et auto-destructive ambivalence d'êtres des Québécois et par l'incompréhension ou la mauvaise foi dont font preuve certains acteurs, la plupart étant non francophones, qui n'ont de cesse de continuellement remettre en cause la légitimité du projet du Québec. Quelles qu'aient été, quelles que soient les réalisations individuelles et collectives des Québécois, hier, avant-hier et aujourd'hui encore, cette culture, cette nation est, bon gré, mal gré, envisagée comme étant empêchée d'advenir et de réaliser son potentiel, c'est-à-dire de transcender dans une espèce de délivrance qui lui permettrait enfin de s'accomplir. La nation québécoise, toujours en lutte pour la souveraineté, reste en quête de son acte fondateur. Rarement l'ambivalence d'êtres des Québécois est-elle perçue comme une coordonnée positive de la culture du groupe, un signalement, une signature, voire un lieu-d'êtres positif qui lui soit particulier dans l'universalité des cultures. Jamais l'ambivalence d'êtres des Québécois n'est-elle envisagée comme la manifestation d'une identité pleine et émancipée. Pour la plupart des auteurs, ce statut d'ambivalence est au contraire apparenté à un hors-lieu, voire à un non-lieu culturel, expression d'aliénation en puissance et de faillite plutôt que marque de lucidité et de liberté.
Il existe, chez nombre de penseurs Québécois cachant mal leur inspiration hégélienne, un millénarisme sous-jacent à leurs thèses qui obscurcit et confond la réflexion collective touchant à l'avenir du groupe bien plus qu'il ne l'éclaire et ne l'informe. Comme si le groupe était doté d'une mission historique et qu'il devait tendre vers un état d'accomplissement s'accordant avec quelque doctrine touchant à l'émancipation des peuples. Comme si le dilemme fondamental, incontournable et indépassable qui dessinait et dominait l'horizon du collectif était de trancher sèchement, sans compromis, entre l'option d'être ou celle de ne pas être Québécois.
Ce millénarisme, qui tient de la conviction et non pas de la vérification, découle d'une compréhension fort étroite de ce que fut l'expérience historique québécoise — un parcours semé d'embûches, dit-on — et d'une mauvaise évaluation du legs transmis par les ancêtres — une dot de douleur fondant une dette de sens ne laissant apparemment aucune alternative aux héritiers pour se représenter leur condition. Il tient aussi à la difficulté d'assumer l'option paradoxale qui marque l'expérience historique et qui tient lieu d'horizon d'attente à la majorité des membres du groupe : celle d'être et de ne pas être Québécois en même temps, la synthèse de cette condition s'exprimant dans l'attentisme et l'opportunisme pragmatiques dont fait preuve le groupe depuis le début de son histoire.
Si, auparavant, le défi que se posaient les grands intellectuels québécois était de reconduire la collectivité le plus loin possible vers une origine mythique, celui qui semble maintenant animer les penseurs les plus écoutés du groupe est de conduire cette collectivité le plus loin possible vers un avenir utopique — en rappelant toutefois aux descendants l'obligation que commande l'héritage reçu des anciens, un héritage comportant aussi, apparemment, un devoir de mémoire. C'est à cette dialectique bienheureuse entre le rappel du passé et la construction de l'avenir qu'appelait entre autres Fernand Dumont lorsque, en finale de son ouvrage-phare[12], il suggérait à ses compatriotes de raccorder ce que la survivance avait dissocié, de réconcilier la communauté nationale avec un grand projet politique et de joindre enfin le courage de la liberté à la patience obstinée de jadis.
Un problème politique
En fait, la difficulté de penser autrement que sur le mode de l'empêchement l'itinéraire long du groupe ne tient pas à des contraintes objectives — par exemple à la nécessité de respecter intégralement l'effectuation du passé —, mais découle surtout d'enjeux politiques. La fierté québécoise étant faite d'aliénation pour une bonne part et le récit des péripéties du groupe se voulant résistance d'abord, cesser de souffrir et de se dresser, c'est, nolens volens, cesser d'exister. Comme si sortir de cette conscience tragique, c'était, pour les Québécois, liquider le passé et grever l'avenir.
Or, cette équation identitaire fondatrice n'est pas sans influencer, directement ou subtilement, bien des intellectuels d'ici dans leur façon d'énoncer leur pensée et de construire les connaissances. En disant cela, il ne s'agit pas de prétendre que l'intelligentsia québécoise, dopée par les émanations enivrantes du canabis quebecensis, a vendu son âme au Prince contre une place éventuelle dans l'agora des conseillers du Puissant. Je récuse pareille platitude explicative. La question du rapport entre le savant et la Cité est beaucoup plus complexe et subtile. Elle mérite un traitement sérieux et serein.
Disons-le clairement pour qu'il n'y ait pas de malentendu : l'intellectuel québécois n'a nullement abandonné sa vocation critique ni ne s'est enfermé dans une «ethnologique». Cela dit, il semble que, parce qu'ils sont membres d'une communauté menacée, d'une «petite nation» dit-on couramment, plusieurs se sentent tenus, par obligation morale envers les leurs, d'inscrire leur démarche réflexive dans un espace du pensable et du «narrable» qui, s'il est franchi, risque de mettre en péril leur communauté d'appartenance, celle dans laquelle ils s'enracinent et qu'ils ont la responsabilité de porter. Cet argument est tout à fait recevable et j'y suis particulièrement sensible.
C'est d'ailleurs en invoquant l'inéluctabilité de cet ascendant moral de la mémoire et de l'appartenance sur la méthode, de la construction éthique de la Cité sur la connaissance dillettante, que Fernand Dumont, pour un, laissait sous-entendre que, en tant qu'intellectuel vivant au Québec, il n'avait pas le choix d'être nationaliste, c'est-à-dire qu'il avait le devoir impérieux de penser la nation québécoise en même temps qu'il en épousait les enjeux ou, ce qui est une autre façon de dire la même chose, qu'il lui fallait traduire, dans ses catégories analytiques et interprétatives, les conditions mêmes de l'existence et de l'espoir de cette nation (ou de cette culture)[13]. Pour Dumont, sa distance critique en tant qu'intellectuel moderne se voyait en quelque sorte interpellée, au Québec, par le rapport moral complice qu'il devait établir et entretenir avec les siens, rapport nécessaire à l'émergence, chez le peuple, d'une conscience historique elle-même indispensable à la recréation de la culture, lieu d'être et d'appartenance d'hommes concrets désireux d'accéder à la transcendance universelle contre la rationalité instrumentale des pouvoirs, l'abstraction idéifiante de l'Histoire et les idéologies de la banalité. En conceptualisant ses objets, en bâtissant ses thèses, Dumont estimait que, en tant qu'intellectuel québécois, il n'avait d'autre choix que de réfléchir à partir du Québec et non pas sur cette culture ou sur ce lieu[14]. La pensée en exil était à ses yeux l'expression d'une disjonction déplorable entre la vérité et la pertinence, la manifestation d'un oubli malheureux de la mémoire des origines — ce qu'il avait mal d'accepter.
On conçoit facilement, dans cette perspective, que penser l'expérience québécoise dans ses figures impensables, par exemple sous l'angle de l'ambivalence d'êtres, peut être délicat, en regard tout au moins d'une certaine façon de raccorder le passé et l'avenir dans une histoire qui soit jugée émancipatrice et libératrice pour le peuple. Établir un rapport fécond entre le souvenir et le devenir reste d'ailleurs l'un des plus grands défis auxquels l'on peut s'attaquer. Comment s'assurer en effet que la collectivité chemine vers une certaine transcendance de destin, vers un certain idéal d'être, vers une Terre promise ou prometteuse, si le souvenir qui lui est proposé et qu'elle garde d'elle-même veut qu'elle ait trouvé son bonheur pragmatique dans l'hésitation, dans l'amphibologie, dans l'équivoque et dans l'ambiguïté d'êtres — ce que traduisent possiblement toutes les marques d'aliénation dont on estime amèrement investie, par dépit devant la banalité du genre humain, par méprise devant ce que l'on juge de haut ou par excès d'espérance en l'homme, la culture québécoise ? De la même façon, comment est-il possible pour l'intellectuel d'impenser son pays, c'est-à-dire de le ramener dans l'univers du complexe, du doute et du questionnement avec le risque qu'il s'égare, et de l'aimer en même temps, c'est-à-dire, en lui offrant une représentation globale et sensée de lui-même, de lui donner eo ipso les moyens d'avancer ? Cette question, Dumont, Cantin et combien d'autres n'y ont vu sincèrement — et n'y voient toujours — qu'une seule réponse acceptable. Pour eux, la position la plus justifiée veut que l'intellectuel québécois porte son pays comme on porte un enfant dans ses bras, la tête bien haute.
N'y a-t-il pas d'autre option ? N'existe-t-il pas, pour l'intellectuel d'ici, une solution à ce dilemme d'aimer son pays et de poursuivre néanmoins une quête savante animée par le doute méthodique et le soupçon critique devant les utopies, acceptant de décrire le pays comme il est, dans son confort et son indifférence, sans désillusion devant ce contentement et ce consentement tranquille, sans naïve espérance que cette condition soit tout à coup changée, sans attente idéaliste pour une mutation salutaire et une délivrance salvatrice ? Est-ce là perspective trop pragmatiste, trop platement empirique ? Est-ce là projet sans couleurs, sans aura ? Est-ce là, à terme, défaite de la culture et déchéance de la Cité ? Est-ce là abdication de la pensée devant la réalité, victoire de la structure contre l'œuvre d'art ? Est-ce là délégitimation du sens et pulvérisation des possibles ? Est-ce là, tout bonnement, horizon suicidaire pour le groupe ?
N'existe-t-il pas une façon de conceptualiser et de raconter l'expérience québécoise qui fasse que ni le passé et l'avenir du groupe ne soient sublimés dans une espèce de poétique collective, belle mais abstraite, et que ni la possibilité d'une avancée de l'entité ne soit hypothéquée ? En d'autres termes, comment un récit peut-il être «pour un groupe», c'est-à-dire favorable à sa transcendance, sans par ailleurs trahir ses propres exigences de liberté ?
Se souvenir d'où l'on s'en va.
Il existe à mon avis deux voies d'évitement à l'impasse dans laquelle se retrouve l'intellectuel qui construit son pays en tant qu'objet aimé.
La première voie est mitoyenne. Elle tient pour acquis que, dans le cas du Québec tout au moins, il est particulièrement difficile à l'intellectuel de ne pas pratiquer un quelconque devoir civique de mémoire, donc de renarration acceptable du pays, en même temps qu'il exerce sa fonction réflexive et produit des connaissances. Cette position m'est agréable à une seule et importante condition, soit que l'exercice mémo-réflexif débouche sur une narration tout entière vouée à l'objectif de «se souvenir d'où l'on s'en va».
Selon cette logique, l'exercice mémo-réflexif ne vise pas à continuellement ramener le pays vers son point d'origine, à le décrire sous ses traits invariables, à l'animer dans ses figures indispensables, à l'embrigader dans un héritage ancestral, à lui insuffler une destinée conséquente, bref à l'emprisonner dans un éternel défi, soit d'être ce qu'il doit être, conformément à ce qu'il a été ou ce que l'on voudrait qu'il soit. Comme si l'identité québécoise, dans ce qu'elle fut effectivement et reste encore, n'avait toujours consisté qu'en une longue genèse de dénaturation.
Amener le pays et les siens à se souvenir d'où ils s'en vont, c'est leur rappeler qu'ils ne se sont pas construits dans le sillage d'une téléologie prédisposante, mais dans les circons-tances et les contingences du moment ; que leur avenir reste tout aussi ouvert que le fut leur passé ; que leur donne est marquée par la complexité et la difficulté d'êtres et non par la simplicité et l'habitude de perdurer comme ancêtres de demain ; que leur horizon est affaire de choix à exercer et non pas de salut à gagner ni de testament à respecter. Se souvenir d'où l'on s'en va, comme embrayeur narratif, c'est se donner les moyens de se détacher d'un héritage intellectuel, qui pose la mémoire comme le commencement de la méthode, sans cesser d'envisager la culture comme mémoire, fort du postulat voulant que les descendants doivent, pour survivre, se situer dans un rapport de reconnaissance et de distance, de continuité et de rupture, de respect et de critique, avec les ancêtres.
Il existe une seconde voie pour contourner l'impasse dans laquelle se trouve placé l'intellectuel à qui ses prédécesseurs — ou la situation — recommandent d'aimer son pays comme un enfant. C'est de refuser cette métaphore en considérant qu'elle procède d'une erreur de diagnostic ; que le Québec, par exemple, n'est pas inachevé ni ne s'apparente à un enfant qui tarde à devenir adulte et qui rejette les responsabilités qui lui incombent ; que le lieu d'êtres des Québécois est précisément l'ambivalence ; que cette ambivalence est la seule permanence de leur condition, la seule invariante de leur continuité dans le temps ; et que de continuer à la porter n'est pas une trahison des ancêtres, ni l'expression d'une hésitation aliénante ou d'une pitoyable «fausse conscience de soi», mais une rapatria-tion de la sagesse réflexive des anciens dans la perspective de la construction d'un présent et d'un avenir définis suivant la ligne du risque calculé, c'est-à-dire de la raison sensible. À moins que je ne m'abuse, on retrouve ici aussi, implicitement, l'idée que j'exprimais plus haut, soit de se souvenir d'où l'on s'en va.
Cette coïncidence n'est pas un hasard. Se souvenir d'où l'on s'en va est peut-être la seule façon, pour l'individu comme pour les collectivités, de se doter d'une conscience historique active, c'est-à-dire d'advenir en étant libéré des servitudes du passé et tout en aimant les ancêtres.
Amener les Franco-Québécois à se souvenir d'où ils s'en vont est peut-être, pour l'intellectuel d'ici, la seule possibilité de penser les figures de l'impensable condition québécoise en sortant d'une épistémologie de la misère et de la mélancolie, sans pour autant cesser d'aimer le pays et les siens, mais en articulant décisivement leur devenir, c'est-à-dire leur cons-cience historique et leur recherche d'avancement, dans une idée autrement pensée et énoncée de la culture et du lieu, c'est-à-dire de la nation. Car ne nous y trompons pas : c'est dans l'invention d'un nouveau rapport à la culture, comme mémoire et comme horizon, que sera éventuellement redéfinie l'identité québécoise.
Jocelyn Létourneau
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NOTES
*Sont présentées dans cet article quelques idées beaucoup plus longuement développées dans une série de textes inédits rédigés lors de mon séjour, comme fellow, à la School of Social Science, Institute for Advanced Study, Princeton, N.J. On comprendra que, pour des raisons d'espace, je n'ai pu donner à certains points d'argumentation toute l'extension et la finesse voulue ou désirable.
[2] Ce pays comme un enfant. Essais sur le Québec (1988-1996), Montréal, L'Hexagone, 1997.
[3] Par Québécois, je me réfère exclusivement, dans ce texte, au groupe des francophones habitant la province et connaissant ou reconnaissant les canons historiaux et mémoriels par lesquels ce groupe se souvient de lui-même, se dit et se représente aux Autres.
[4] Pour emprunter une formule particulièrement forte et émouvante de Cantin.
[5] «L'avenir de la nation comme "paradigme" de la nation québécoise», dans Les Convergences culturelles dans les sociétés pluriethniques, sous la dir. de Khadiyatoulah Fall et al., Québec, PUQ/PUL, 1996, p. 166.
[6] «Des universitaires sur la planète Hollywood», Le Devoir, 12 août 1998, p. A-6.
[7] Est-il nécessaire de préciser que le Canada aura lui-même un avenir dans la mesure où ses habitants et ses décideurs seront capables de redécouvrir l'esprit perdu de la canadianité dont on peut dire qu'elle mêle, dans une synthèse originale qui n'entraîne toutefois pas la dissolution de ses éléments constitutifs, la francité, l'anglicité, l'amérindianité et l'américanité ?
[8] J'entends par pays la culture s'exprimant et existant dans un lieu. Aimer le pays, c'est se responsabiliser devant la culture, donc auprès du groupe qui se déploie dans un espace de concentration.
[9] Par «grands intellectuels», j'entends ceux qui ont édifié la Référence nationale et qui sont reconnus comme tels dans la conscience commune.
[10] User du concept de société globale, c'est, en tant qu'observateur, se donner le moyen de voir comment une société s'intègre dans une repré-sentation globale d'elle-même. C'est aussi, inévitablement, proposer une définition globale de cette société qui participe