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En cette période dite de « déconfinement », où le retour à la vie normale après plusieurs mois de réclusion abat une après l’autre les barrières érigées contre la pandémie de la covid-19, il existe une réalité, typique de ce coin d’Amérique, qui risque de rester longtemps confinée : la langue. Cette chère langue française, proclamée officielle depuis la loi 22 de Robert Bourassa adoptée en 1974, interminablement l’objet des soins et des contrôles du législateur et des tribunaux. Mais pourquoi donc, après tous les débats que la protection de cette langue a suscités au Québec, serait-elle « confinée » ? C’est que, lorsqu’on regarde le traitement que le législateur québécois lui réserve, il est bavard pour certaines choses, et soudainement muet pour d’autres, au point qu’elle devient invisible, comme ces enfants illégitimes que l’on cachait jadis dans les familles et dont on taisait l’existence par toutes sortes de simagrées et des soupirs profonds.
Enquête sur un curieux silence
Ce silence du législateur se signale par le fait étrange que pendant longtemps, les établissements universitaires au Québec n’ont eu en général aucune identité linguistique définie, c’est-à-dire que ni la loi, ni le règlement, ni même les chartes originaires constitutives de ces établissements qui les érigeaient en corporations publiques ne leur assignaient une vocation linguistique quelconque[1]. Cela était vrai indépendamment du mode de création de l’université, que ce soit par charte royale ou papale, comme chez les plus anciennes, par la loi comme pour les universités Concordia ou Sherbrooke, ou par lettres patentes autorisées par la loi, comme pour les établissements rattachés à l’Université du Québec[2]. Sur cette question, on observe une timide évolution au cours des dernières années. L’Assemblée nationale a mentionné le « caractère résolument francophone » de l’Université de Montréal dans le préambule de sa charte constitutive, par une loi privée adoptée en 2018[3]. Quant à l’Université Laval, elle a tardivement adopté de nouveaux statuts internes dans lesquels elle se définit comme un « établissement de tradition chrétienne et d’expression française »[4]. En somme, le droit public québécois se garde encore de reconnaître des universités de langue française au Québec, quitte à en reconnaître quelques-unes à la marge. De façon maladroite, par une révision de la Charte de la langue française, le législateur québécois a essayé en 2002 — sans y parvenir comme nous le verrons — de corriger cette curieuse absence, si bien que les universités québécoises ont depuis lors leurs politiques linguistiques propres. Mais le phénomène n’est pas exclusif aux universités ; les cégeps, dont on a célébré sans fanfare les cinquante ans d’existence en 2017, sont frappés d’un silence encore plus surprenant.
En effet, quand on examine la Loi sur les cégeps[5], le Règlement sur le régime des études collégiales ou les lettres patentes qui ont créé un à un les cégeps, nulle mention n’est faite de leur identité linguistique ou de la langue normale de leurs activités. Les cégeps ont vu le jour grâce à un vieux principe de la monarchie britannique ; le souverain y conserve la prérogative d’instituer, en en manifestant la volonté dans des lettres patentes portant le sceau royal, des maisons d’enseignement supérieur et de leur conférer le statut de personne morale[6]. C’est le mode de création des cégeps retenu par la loi québécoise. Or, même ces augustes lettres sigillées, marquées du grand sceau du Lieutenant-gouverneur agissant au nom de Sa Majesté la Reine du Canada, ne disent d’ordinaire rien sur la vocation linguistique du cégep, comme s’il pouvait indifféremment adopter le mandarin, l’anglais, l’alémanique ou le chiac comme langue d’usage. Petite exception, le cégep régional de Champlain a obtenu du gouvernement québécois d’être reconnu dans ses nouvelles lettres patentes comme étant « de langue anglaise » en septembre 2019[7]. L’anglais semble donc acquérir le privilège de la définition alors que le français se recroqueville dans son invisibilité.
Celle-ci est telle que même le Règlement sur le régime des études collégiales[8], le document juridique le plus important après la Loi sur les cégeps, réussit le tour de force d’organiser le contenu de ces études sans jamais nommer aucune langue précise, se contentant d’assigner des unités d’enseignement à la « langue d’enseignement et littérature » et à la « langue seconde » et de mentionner une « langue moderne ». C’est là une prouesse de rédaction juridique qui mérite d’être étudiée dans un colloque de sémiologie ou de linguistique. Les savants pourront se demander s’il s’agit d’une prétérition — l’« action de taire, de passer sous silence, omission volontaire », selon le CNRTL[9] — d’une apophase — la négation de tout discours sur une chose intraduisible en mots — ou d’une stratégie de périphrase privilégiant le détour dans l’expression, telle qu’observée dans l’œuvre d’une écrivaine comme Marguerite Yourcenar, pour évoquer des sujets tabous[10]. Fait remarquable, le règlement est rédigé de telle façon qu’il pourrait s’appliquer à n’importe quelle région du monde où deux langues principales se font concurrence. La même ambiguïté lexicale se trouve dans le nouveau programme de « sciences humaines avec langue seconde enrichie » approuvé par le ministre de l’Éducation en janvier 2019[11]. Conçu aussi pour s’appliquer à n’importe quel type de cégep, il place à égalité le français et l’anglais, qui chacun obtient le même nombre d’unités d’enseignement à titre de « langue d’enseignement et littérature », ainsi que les cours de philosophie et d’humanities. À lire ce programme d’études, on ne sait trop laquelle des deux langues est vraiment « seconde », même dans un cégep dit francophone. C’est dire les acrobaties langagières déployées pour ne pas nommer un sujet qui fâche.
En somme, si le français a existé dans les cégeps et les universités, c’est indépendamment ou en dépit de la parole du législateur ; cette « langue d’enseignement » a subsisté certes, en vertu toutefois d’anciennes coutumes, ou de simples usages qui se seraient cristallisés autour d’un peuple invisible, réfractaire ou terrifié à l’idée de nommer dans le droit la langue qui le fait vivre.
L’étrange chapitre VIII.1 de la Charte de la langue française
Toutes ces considérations pourraient paraître sans importance au vu des retouches apportées à la Charte de langue française en 2002 par le gouvernement de Bernard Landry, pour donner suite notamment au rapport des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française. Ce qu’on appelle la loi 104[12] a justement ajouté trois articles particuliers à la Charte pour exiger des établissements postsecondaires au Québec qu’ils adoptent pour eux-mêmes, un à un, une politique interne relative à l’emploi et à la qualité de la langue française (les trois articles sont reproduits en annexe). La loi leur a fixé un délai de deux ans pour ce faire, à compter de la mise en vigueur de la loi en juin 2002. Ces articles, qui forment un court chapitre VIII.1, utilisent des formulations byzantines qui comblent imparfaitement le curieux silence du législateur sur l’identité linguistique de ces établissements. Voici pourquoi.
Pour désigner les établissements postsecondaires soumis au chapitre VIII.1, le nouvel article 88.2 distingue entre eux deux catégories : d’une part, l’« établissement offrant l’enseignement collégial ou universitaire en français à la majorité de ses élèves », et d’autre part, l’« établissement offrant l’enseignement collégial ou universitaire en anglais à la majorité de ses élèves ». Les établissements enseignant majoritairement en français doivent ainsi adopter une politique qui « traite » essentiellement de la langue d’enseignement et de l’administration interne, sans formuler la moindre exigence particulière, à part le fait que cette politique doit contenir des dispositions sur la qualité du français et sa maîtrise par le personnel et les élèves. Quant aux établissements enseignant majoritairement en anglais, ils doivent prévoir des dispositions équivalentes dans leur politique, mais pour le français considéré comme « langue seconde ».
En lisant ces formulations tortueuses, on est frappé de ce que le législateur, bien loin de statuer clairement sur le régime linguistique des établissements postsecondaires, a ajouté au silence préexistant d’autres silences et d’énormes ambiguïtés. Celles-ci découlent de la solution choisie pour définir ce régime, qui consiste en une espèce de description statistique des établissements, selon qu’ils enseignent en français ou en anglais à une majorité d’élèves. Ce qui suppose que l’identité linguistique d’un cégep ou d’une université est un simple fait accidentel, dépendant de l’offre de cours et de la réponse étudiante, et non d’un statut légal stable. Il est curieux également qu’on ait choisi ce langage en 2002, comme s’il y avait déjà à cette époque des établissements francophones enseignant en anglais en dehors de cours de « langue seconde » ou de littérature.
De plus, rien n’indique dans la formulation des articles 88.1, 88.2 et 88.3 qu’un établissement doive maintenir une offre de cours majoritaire dans la même langue. Or, à supposer que le maintien de cette majorité soit implicite aux exigences de ces trois articles, rien non plus n’interdit à un établissement enseignant majoritairement en français d’offrir ses cours en quasi-majorité — 49,9% — en anglais. À cet égard, la loi leur donne carte blanche. La notion de majorité d’élèves s’avère aussi plutôt floue. Faut-il compter les étudiants à temps partiels et les personnes inscrites dans les programmes d’éducation permanente ou de formation continue? Bref, on voit à quelles jongleries comptables pourrait mener l’application de cette notion faussement claire.
Autrement dit, le régime linguistique de l’enseignement postsecondaire au Québec ouvre la possibilité que les établissements majoritairement francophones se transforment de facto en institutions bilingues, pourvu qu’une simple majorité numérique d’élèves au statut variable suivent leurs cours en français. Une université pourrait par exemple dispenser l’essentiel de son enseignement dans les cycles supérieurs en anglais, à charge pour elle de laisser assez de français pour la formation des futurs bacheliers — et même sans se soucier de fournir du matériel pédagogique dans cette langue. En comptant ses nombreux inscrits à la formation continue, un cégep pourrait de même multiplier les formations en anglais ou en « langue seconde enrichie » en conservant minimalement une façade française.
Ce qui ne veut pas dire que les établissements postsecondaires, en adoptant leurs politiques linguistiques internes exigées par la Charte, ont tous emprunté la trajectoire du bilinguisme. Un bon nombre se sont déclarés de langue française ou l’ont consacrée comme leur langue normale d’enseignement et de régie interne, bien que chaque politique interne soit révisable, suivant la procédure propre à chaque institution. Mais certaines institutions ont parfaitement compris la latitude que leur laissait la loi, tels que le collège privé Teccart, qui se déclare « établissement d’enseignement collégial bilingue[13] » ou le cégep de Sainte-Foy, qui a modifié sa politique linguistique en 2017 pour y déclarer sèchement que « le français est la langue d’enseignement prépondérante »[14] et qui, dans son plan stratégique 2015-2020, a fait du développement d’« une offre florissante et diversifiée pour l’amélioration de l’anglais » l’un de ses objectifs prioritaires. Le cégep de Gatineau, tout en se déclarant « institution francophone dont la langue d’enseignement est le français », réduit aussitôt la portée de ce beau principe en en exceptant les « cours de langue seconde, de langues étrangères » et les « cours dispensés dans le cadre de formation bilingue (sic) », sans poser de borne à cette exception[15]. L’Université de Montréal, qui se définit comme « université québécoise de langue française, à rayonnement international », pose aussi comme principe qu’elle « utilise dans ses communications les langues susceptibles de lui assurer le rayonnement institutionnel que les réalisations de ses professeurs et la qualité de ses étudiants et diplômés lui méritent[16]. » En d’autres termes, elle subordonne son statut d’établissement de langue française aux exigences de l’internationalisation et de l’emploi « d’autres langues » qui lui garantiraient ce rayonnement.
Outre la molle normativité engendrée par la conception statistique de la langue des établissements postsecondaires, on observe que les trois articles du curieux chapitre VIII.1 ni n’obligent, ni n’invitent les administrateurs, le personnel et les élèves des établissements postsecondaires à une quelconque défense ou promotion de la langue française dans leurs activités, la chose étant laissée à leur bon vouloir. Seule exigence, la plus minimale qui soit, que la politique linguistique de leur institution traite de l’emploi et de la qualité de la langue française. C’est cette vision minimaliste des exigences posées par ce chapitre qu’a validée un tribunal d’arbitrage, dans une affaire qui portait justement sur la portée effective de la politique linguistique adoptée par l’Université du Québec en Outaouais ; l’arbitre dans ce grief note ce qui suit :
En ce qui concerne la problématique entourant l’usage d’une langue dans l’enceinte universitaire, la Loi sur l’Université du Québec ne prescrit aucune ligne de conduite à ce sujet. La Charte de la langue française n’interdit pas non plus l’usage d’une langue autre que le français. Elle oblige seulement à établir une politique « relative à l’emploi et à la qualité de la langue française »[17].
Dans une autre affaire de grief, qui concernait cette fois-ci l’UQAM à qui le syndicat des professeurs reprochait d’avoir introduit des cours de gestion en langue anglaise et modifié en conséquence sa politique linguistique pour avaliser une telle chose, l’arbitre constata également la faible portée de cette politique. Selon lui, l’article 88.2 de la Charte exige d’un établissement postsecondaire qu’il traite seulement de la langue d’enseignement ou de travail, « sans pour autant dire ce qui doit être fait ou comment cela doit être fait. » Il ajoute : « [A]ucune réglementation spécifique n’est imposée aux universités si ce n’est que de devoir se doter d’une politique linguistique traitant de sujets prédéterminés[18] ».
Un observateur étranger est cependant d’avis contraire, au point d’écrire qu’« [e]n tant que loi-cadre pour les programmes des universités québécoises, la charte exige non seulement l’emploi du français comme langue des études, du travail et des communications administratives dans le domaine de l’enseignement mais aussi la promotion de la qualité et de la maîtrise du français[19] ». Toutefois, son opinion ne s’appuie sur une aucune lecture attentive des dispositions de la loi.
En réalité, les politiques linguistiques exigées des établissements postsecondaires s’avèrent ce qu’on appelle du droit mou ou droit souple[20], c’est-à-dire des normes de régie interne – codes d’éthique, directives – qu’une société privée ou publique adopte et applique à sa convenance, sans mécanisme contraignant de mise en œuvre et de suivi.
Comme exemple de droit mou, on évoque souvent les codes de bonne conduite dont se dotent les banques ou les multinationales pour régenter leurs activités propres et soigner leur image. La théorie du droit voit le « droit mou » comme un droit sans valeur impérative, un droit « négocié » par les partenaires sociaux eux-mêmes, qui l’adaptent à leur réalité interne sans intervention de l’État. Le « droit mou » fournit des normes considérées comme techniques, sans « applicabilité immédiate, celle-ci dépendant de l’accord des intéressés sur son contenu[21]. » En somme, le statut et l’usage de la langue dans les établissements postsecondaires au Québec relèvent de la négociation interne propre à chacun.
Dans le grief relatif à l’Université du Québec en Outaouais, on a d’ailleurs décidé que la politique linguistique d’une constituante de l’Université du Québec ne peut modifier une convention collective ni une entente déjà conclue avec une autre constituante, ce qui atteste la faible valeur normative de ce genre de politique [22]; on suggère même qu’une telle politique aurait une valeur moindre qu’un règlement interne de l’université. De plus, note l’arbitre, la Charte de la langue française ne prévoit aucune obligation de consultation préalable sur la langue d’enseignement au sein de l’établissement s’apprêtant à adopter ou à changer sa politique linguistique. Dans l’autre arbitrage de grief, l’arbitre jugea que rien dans la Charte « ne prévoit la possibilité même pour le gouvernement de demander quelque réajustement » à une politique linguistique[23].
Il est révélateur que les établissements postsecondaires ne soient guère assimilés par la Charte de la langue française ni à l’Administration ni à des organismes parapublics, si on se fie aux définitions fournies à l’annexe de la loi. Le recours au droit souple pour normaliser la langue de ces établissements accrédite l’idée que le législateur les cantonne hors de la sphère publique, dans un univers social-privé parallèle à l’État, bien que largement financé par lui. Il n’est donc pas étonnant que le chapitre VIII.1 ait comblé d’aise le représentant du monde universitaire, Pierre Lucier, parlant au nom de la CRÉPUQ à la commission de la Culture en mai 2002. Il s’y félicita de voir que le législateur avait opté pour une méthode qui préserve l’autonomie des universités. En effet, ce chapitre les engage tout au plus à entreprendre des discussions internes sur l’usage du français dans leurs affaires, sans exigence d’arbitrage, de sanction ou de résultat tangible en faveur de sa défense[24]. Le représentant de la Fédération des cégeps, Guy Forgues, tint un discours à peu près similaire devant la commission.
L’article 88.2 prévoit qu’une politique linguistique doit traiter de sa mise en œuvre et du suivi, mais aucun mécanisme ou recours n’est prévu pour sanctionner un cégep ou une université qui contreviendrait à sa propre politique et cesserait de l’appliquer. Seule sauvegarde, le ministère de l’Éducation reçoit d’office toutes les politiques des établissements et peut leur demander un « rapport faisant état de l’application de sa politique. » C’est mince. Tout au plus, dans le cas des cégeps, la commission de l’évaluation de l’enseignement collégial peut-elle examiner la promotion de la qualité de la langue au vu des rapports d’auto-évaluation que les cégeps doivent produire[25]. Le juriste Guillaume Rousseau estime cependant que le ministre responsable de l’Enseignement supérieur pourrait s’appuyer sur une disposition de la loi constitutive de son ministère pour conditionner son aide financière versée à un établissement postsecondaire au respect ou à la modification de sa politique linguistique, bien que nul ne sache si un ministre s’est déjà prévalu de ce pouvoir[26].
Dans un avis publié en décembre 2012 pour le Conseil supérieur de la langue française, la chercheure Jennifer Dion passa en revue les politiques linguistiques internes des universités « francophones » et en tira quelques constats significatifs. Ainsi, si « [p]our la plupart des universités, le français est ainsi considéré comme la “langue normale” de l’enseignement », il demeure que plusieurs prévoient des échappatoires leur permettant d’offrir des cours ou des programmes en anglais seulement ou des programmes en plusieurs langues, sans toujours garantir l’accès à du matériel pédagogique en français. N’est pas plus absolue l’exigence de rédiger les thèses et les mémoires en français, à laquelle les universités se soustraient par des mécanismes d’autorisation préalable[27]. Ces constats illustrent bien la manière dont les universités usent de la latitude conférée par le chapitre VIII.1 de la Charte de la langue française. Un doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal a même reconnu en 2014 que l’application de la politique linguistique de son établissement était « à géométrie variable[28] ».
La Charte de la langue française contre elle-même
Un autre élément inattendu est venu diluer encore plus la faible portée des politiques linguistiques internes, ainsi que celle des garanties linguistiques contenues dans les conventions collectives du monde postsecondaire : c’est la Charte de la langue française elle-même qui, au chapitre de la langue du travail, ne serait pas aussi exigeante qu’on croit. Ce point s’est illustré dans l’arbitrage de grief déjà évoqué au sujet de l’UQAM. Son École des sciences de la gestion avait introduit dans ses programmes des cours en anglais, comme l’y invitait un organisme de certification internationale qui lui reprochait de ne pas en faire assez pour attirer des étudiants étrangers. En 2009, une modification apportée à la politique linguistique de l’université avait préparé le terrain, pour autoriser l’emploi d’autres langues que le français dans les cours dispensés dans le cadre d’ententes avec d’autres universités et des organismes internationaux. On ajoute que cette exception « se justifie dans la mesure où elle s’adresse en priorité aux étudiants hors-Québec, dans un objectif de réciprocité avec des universités non-québécoises. » Mais le syndicat des professeurs vit les choses autrement et estima que cette nouvelle politique allait à l’encontre de la convention collective, qui pose le principe que la langue de travail est le français, en prévoyant des exceptions uniquement pour les cours de langue, de littérature et les professeurs invités. On apprend toutes sortes de choses instructives dans la sentence : 80 % des étudiants étrangers accueillis dans les programmes de gestion de Concordia sont des Français; au vu des c.v. des professeurs de l’ESG, 60 % de leurs publications se font en anglais; la grande majorité des étudiants inscrits dans les cours en anglais litigieux de l’ESG étaient des francophones; enfin, l’UQAM défendit sa politique en plaidant même « l’imposition inéluctable de l’anglais en tant que langue universelle de communication dans les domaines de l’administration et de la science[29]. »
Mais tel un prestidigitateur sortant un gros lapin de son chapeau, l’arbitra trouva le moyen de diluer la portée de la convention collective en matière de langue de travail et donc de valider les assouplissements incorporés dans la politique linguistique de l’université en invoquant la Charte de la langue française. L’arbitre développa dans sa sentence une théorie de la charge professorale, qui fait de l’enseignement une tâche parmi d’autres de son travail. De plus, aux dires de l’arbitre, la Charte n’impose pas l’usage exclusif du français au travail ; son ambition est d’y faire du français la langue normale et habituelle, ce qui laisse place à d’autres langues si la nature de l’emploi le justifie. Et même, cette charte prévoit, à son article 89, le principe qu’il est permis d’utiliser une autre langue quand la loi québécoise ne prescrit pas l’exclusivité du français. L’arbitre réinterpréta ainsi la convention collective des professeurs de l’UQAM à la lumière de ces principes qu’il crut lire dans la Charte. En conclusion, la politique linguistique de l’UQAM n’avait aucunement enfreint la convention collective, puisque dans un environnement universitaire « concurrentiel », l’exigence du français au travail pourtant prévu dans cette convention le cède devant celle de l’internationalisation qui parle anglais et qui reconfigure les tâches professorales.
Cette décision arbitrale suscita des avis contrastés. Bien qu’il estimât contestable le raisonnement de l’arbitre, le juriste Guillaume Rousseau jugea sa décision néanmoins fondée, en raison du fait qu’aucun professeur n’était tenu de donner les cours d’anglais introduits à l’ESG de l’UQAM, dispensés sur une base volontaire, et que les étudiants pouvaient suivre des cours équivalents en français[30]. Cependant, dans un billet au titre acide, « Enseignement en anglais à l’UQAM, The colonization of myself », le vice-président du syndicat, Michel Laporte, fit entendre un autre son de cloche. Il déplora que « la volonté collective énoncée par notre Convention a[it] été sacrifiée par le Comité sur la politique linguistique et par la Commission des études (CE), sur l’autel entrepreneurial de la mondialisation pour servir les intérêts de quelques-uns[31]. » Il observa aussi la course à la certification internationale dans laquelle est entraînée son université et notamment son école de commerce ; c’est là un « cheval de Troie » qui précipite l’anglicisation de l’offre de cours. Loin de servir de frein à cette évolution, la politique linguistique de l’UQAM a servi à l’entériner, voire à élargir la brèche.
La grande oubliée du chapitre VIII.1, la recherche
Outre leur insuffisance au regard de la langue de l’enseignement et du travail, les articles 88.1, 88.2 et 88.3 laissent totalement en plan une activité essentielle des établissements postsecondaires, la recherche et la communication scientifique, pour lesquelles aucune espèce d’exigence ou d’orientation n’est formulée. À peine visible pour l’enseignement, le français échappe entièrement à la vision du législateur québécois pour la recherche. Bref, le travail intellectuel, les colloques et les publications peuvent se faire en quasi-totalité en anglais dans un établissement à majorité française, sans que cela regarde la Charte de la langue française ou d’autres lois, comme la Loi sur le ministère sur l’Enseignement supérieur, de la recherche, de la science et de la technologie. Ce qui entraîne une marginalisation du français, dont la promotion et le rayonnement tendent, comme on le voit dans la politique linguistique du cégep Sainte-Foy, à être confinés aux activités culturelles comme le théâtre, les ateliers d’écriture littéraires et les récitals de poésie. La politique du cégep de Sherbrooke, cependant, consacre un article à la recherche, mais pour d’une part, prévoir la rédaction en français des demandes de subvention, et d’autre part, laisser une grande latitude pour la langue des activités scientifiques dès lors qu’un conférencier est non francophone[32].
Dans son avis de décembre 2012, Jennifer Dion a constaté qu’en matière de promotion du français comme langue de communication scientifique, les politiques linguistiques universitaires se contentent d’énoncer de vagues encouragements ou restent silencieuses[33]. Il est intéressant de lire ce que dit la politique linguistique de l’École polytechnique au sujet de la diffusion de la recherche :
2.9 Diffusion de la recherche Les professeurs de Polytechnique peuvent livrer leurs communications scientifiques écrites dans la langue de publication la plus répandue de leur discipline ou champs de recherche.
2.10 Conférences et allocutions Les conférences et allocutions prononcées par les professeurs et le personnel non enseignant de Polytechnique dans l’exercice de leurs fonctions sont généralement en français. Elles peuvent être prononcées dans une autre langue si les circonstances le justifient.
On voit que la communauté scientifique de la Polytechnique n’est en aucune manière incitée à publier et à communiquer en français mais plutôt à se plier à la langue hégémonique dans la discipline[34]. En réalité, un des rares encouragements tangibles à l’égard du français dans la recherche que l’on retrouve dans les politiques linguistiques internes des universités consiste à rendre disponible un résumé en français des communications, articles et demandes de subventions réalisés dans une autre langue[35]. (Mais quel établissement respecte vraiment cette micro-exigence?) Notons que la politique linguistique de l’Université du Québec en Outaouais avalise l'emploi prépondérant de l’anglais pour les demandes de subvention en reconnaissant explicitement à ses chercheurs la liberté de choisir la langue en cette matière[36].
Le silence ou le peu de directives à l’égard de la langue de la recherche et de la communication scientifique abandonne ce terrain stratégique à l’emprise des organismes fédéraux de recherche. Grâce à leurs subventions et à leurs programmes de chaires, ils ont réussi à téléguider la recherche réalisée dans les cégeps et les universités du Québec sans égard pour le français dans les activités scientifiques. Un silence auquel répondent par un même silence les autres lois québécoises relatives à l’enseignement supérieur, qui n’assignent ni au ministre responsable de cet enseignement, ni aux fonds québécois de soutien à la recherche, la responsabilité de promouvoir le français comme langue scientifique. La commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française (commission Larose) avait pourtant dans son rapport final recommandé que les politiques linguistiques des universités précisent leurs objectifs en matière « de recherche, de transmission des connaissances », sans rien exiger de tel pour les politiques des cégeps. Elle fut même plutôt explicite quant au contenu des politiques universitaires qui doivent :
Balise[r] le recours à l’anglais dans les disciplines scientifiques de telle sorte
que les étudiants reçoivent leur formation en français et soient en mesure de
créer et de conceptualiser dans cette langue.
Articule[r] l’usage de l’anglais et des autres langues dans la perspective de
faire rayonner les établissements et le savoir scientifique de langue française.
Prom[ouvoir] la publication scientifique en langue française et, le cas échéant,
la production en français de larges résumés d’articles publiés en anglais[37].
Le législateur a préféré se taire sur ces questions névralgiques.
Le mauvais diagnostic posé par la commission Larose
Au vrai, l’étrangeté de l’écriture des articles 88.1 à 88.3 découle pour une bonne part de l’analyse que la commission des États généraux sur la situation de la langue française a faite des « ordres » collégial et universitaire. Son diagnostic repose sur le postulat qu’il existe déjà au Québec des cégeps et des universités de langue française – comme de langue anglaise – et que la seule chose requise du législateur consiste à confirmer ce statut existant, à ceci près que les établissements francophones devront eux-mêmes défendre le français comme langue d’enseignement et de la recherche, sans faire intervenir le ministère de l’Enseignement supérieur et les organismes québécois de soutien à la recherche. Cette analyse ne semble s’appuyer sur aucune étude sociohistorique ou juridique sur le régime linguistique des établissements postsecondaires.
En rédigeant leurs recommandations, les commissaires paraissent nourrir deux principaux soucis : 1- s’assurer que « l’ordre collégial », en particulier les cégeps de « langue française », soit un lieu propice au perfectionnement de l’anglais pour les collégiens francophones et à l’apprentissage d’une troisième langue, une vision des choses que la Fédération des cégeps a applaudie[38] ; 2- écarter, sinon discréditer, l’option de l’application de la loi 101 aux cégeps, réclamée par plusieurs organismes, mesure qui, aux yeux des commissaires, serait draconienne et odieuse. En effet :
Sur le plan idéologique, la Commission considère que cette question [étendre la loi 101 au cégep] présente une dérive potentielle, car le débat est mal engagé lorsqu’il fait reposer surtout sur l’attitude d’une minorité d’étudiants au collégial, fils et filles de nouveaux arrivants pour la plupart, le sort du français au Québec. Il est mal engagé lorsqu’il envisage d’imposer une mesure draconienne à l’ensemble des citoyens, en en faisant porter l’odieux à cette minorité de jeunes[39].
D’où la volonté des commissaires de trouver une solution qui donne des gages à la promotion du français dans le postsecondaire sans remettre en question les ordres collégial et universitaire, considérés comme des sphères sociales autonomes de l’État et même nanties d’une certaine immunité contre ses interventions délétères. Tout le raisonnement de la commission tient sur l’idée que si tant d’élèves du secondaire francophone s’inscrivent dans les cégeps anglophones, c’est pour y parfaire leur anglais. « Il devient donc primordial que les cégeps de langue française offrent la même possibilité », écrivent-ils. C’est pour cette raison que les politiques linguistiques que les cégeps francophones auront à adopter veilleront à « confirmer le statut du français comme langue prépondérante d’enseignement, d’activités parascolaires et de travail ». Ce sont les commissaires eux-mêmes qui ouvrent la porte à la conversion des cégeps francophones en institutions bilingues, à tous égards ! Quant aux cégeps anglophones, ils formulent le vœu, que le législateur n’a pas repris, que leur politique linguistique contribuera « au rayonnement du français comme langue commune de la société québécoise. » Les commissaires ne retinrent pas l’idée de la prépondérance du français pour les universités, laissées à elles-mêmes pour définir le statut du français, à charge pour elles, comme on l’a vu plus haut, de mieux baliser l’usage de l’anglais dans leurs activités d’enseignement et de recherche.
Quelque quinze ans après la remise de son rapport, Gérald Larose constatait que « les gains du français à l’élémentaire et au secondaire des « enfants de la loi 101 » sont largement neutralisés par la croissance de la fréquentation des cégeps et des universités anglophones » et que « la Charte de la langue française, trudeauisée et désormais formatée par les multiples décisions de la Cour suprême, est devenue elle-même un agent de la bilinguisation institutionnelle du Québec [40]». C’était une belle façon d’admettre que plusieurs des prémisses sur lesquelles reposait son rapport avaient perdu leur validité.
Un cri du cœur vite enterré et une mini-réforme avortée
Les politiques linguistiques de l’enseignement supérieur que le gouvernement Landry a introduites dans un petit chapitre distinct de la Charte de la langue française allaient donc nettement en deçà de ce que la commission Larose avait envisagé. D’une certaine façon, la portée de ses recommandations en cette matière a été neutralisée pour l’essentiel. Les législateurs québécois et les médias ont rarement par la suite tourné leur attention sur ces politiques ; beaucoup de professeurs et d’étudiants des cégeps et des universités en ignorent l’existence. Depuis l’adoption de la réforme Landry, peu de gens se sont souciés ou émus de l’utilité réelle des « codes de bonne conduite » linguistiques dans l’enseignement supérieur québécois. En juin 2007, le président de la Centrale des syndicats du Québec, Réjean Parent, sonna toutefois l’alarme ; il attira l’attention du public sur la multiplication des programmes dispensés en anglais seulement dans les établissements de langue française, qui faisaient fi du chapitre VIII.1 de la Charte de la langue française. Il écrivit notamment :
Ce nouveau phénomène va complètement à l’encontre de la Charte de la langue française, qui oblige les établissements d’enseignement supérieur à se doter d’une politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française. Le gouvernement dispose donc de toute la légitimité nécessaire pour intervenir et obliger ces établissements délinquants à tout mettre en œuvre afin d’assurer la protection et la promotion de la langue française ainsi qu’à renoncer à offrir des programmes en anglais qui entrent en contradiction avec leur propre mission éducative[41].
Mais cet appel ne trouva pas d’écho.
Néanmoins, il y a eu un petit débat à l’Assemblée nationale en 2010, qui étudiait alors un projet de loi du gouvernement Charest devant modifier la Charte de la langue française — projet de loi 103. L’ambition première du projet visait à réformer le régime des écoles passerelles, après la décision de la Cour suprême d’invalider les mesures mises en place en 2002 par le gouvernement Landry pour colmater la brèche ouverte par la ruée dans ces écoles privées non subventionnées, où des parents fortunés y destinaient leurs enfants afin de les rendre ensuite admissibles à l’école publique anglaise[42]. Le débat public s’est concentré essentiellement sur les mesures proposées par le gouvernement libéral qui, loin de vouloir assujettir ces écoles privées non subventionnées à la loi 101, préférait baliser par règlements l’accès à ces écoles et les droits d’admissibilité au réseau public anglais qui en découleraient. Or, ce débat a éclipsé un autre enjeu de ce projet de loi, qui regardait justement la réforme des politiques linguistiques du postsecondaire. À ce sujet, le moment fort du débat à l’Assemblée nationale s’est déroulé devant la commission permanente de la Culture et de l’Éducation le 9 septembre 2010, où a comparu Mme Carole Neill, présidente du Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique. Son témoignage percutant dénonça l’inanité des politiques linguistiques dans le milieu universitaire. D’emblée, en s’adressant aux parlementaires, elle poussa ce cri d’alarme :
[I]l est clair que nous sommes grandement préoccupés par le phénomène d’anglicisation des universités francophones, et par conséquent ce mémoire est une sorte de cri d’alarme que nous lançons, puisque notre droit de travailler en français est de plus en plus brimé.
Sans entrer dans le détail dans sa déposition, disons que Mme Neill observe plusieurs faits troublants. Dans la majorité des universités, le personnel non enseignant ne participe guère aux comités établis par les politiques linguistiques internes. Ces comités n’étudient aucune plainte, car elle se transforme immédiatement en grief régi par les conventions collectives. Ces politiques et ces comités sont impuissants à freiner ces universités dans leur volonté opportuniste de multiplier les cours de discipline en anglais et pressent leurs employés de travailler de plus en plus en anglais.
En outre, Mme Neill releva deux paradoxes. Premièrement, la Charte de la langue française excepte les établissements postsecondaires non subventionnés de l’obligation d’adopter une politique linguistique interne (art. 88.1), si bien qu’il leur est loisible d’offrir des cours en anglais sans restriction. Or, les universités, assujetties à cette obligation, donnent pourtant sans entraves de tels cours, auxquels assistent en grande majorité des étudiants francophones. Deuxièmement, la Charte prévoit que les entreprises de plus de 100 employés doivent instaurer un comité de francisation et se doter d’un projet en ce domaine pour bénéficier de subventions publiques. N’étant guère soumises à ces exigences, les universités francophones touchent néanmoins des subventions publiques pour offrir des cours de discipline en anglais. La représentante syndicale en conclut que les politiques linguistiques universitaires ne garantissent aucunement le droit de travailler en français et que les comités implantés par celles-ci n’ont contribué en rien à défendre les travailleurs. Elle dit son franc scepticisme devant les mesures envisagées par le gouvernement dans le projet de loi 103, soit assurer la diffusion de ces politiques et la transmission aux trois ans d’un rapport au ministre de l’Éducation, qui pourra prescrire des correctifs après consultation de l’Office de la langue française. Ces amendements, se persuade Mme Neill, ne changeront rien à la situation existante. À vrai dire, elle est tellement déçue de l’inaction du ministère de l’Éducation dans ce domaine qu’elle réclama que l’Office de la langue française, au lieu du ministère, en soit l’unique maître d’œuvre, afin notamment que les syndicats puissent obtenir la médiation de l’Office dans les différends qui les opposent aux administrations universitaires.
Finalement, Mme Neill résuma sa pensée en ces termes :
Dressons à nouveau un portrait de la situation : les limites dans lesquelles nous sommes confinés font en sorte que les politiques linguistiques ne garantissent pas le droit de travailler en français, que les comités issus de ces politiques sont inopérants et qu’en plus nous n’avons pas le droit de défendre nos membres à l’office par le biais du processus de médiation qu’ils offrent.
Il ne nous reste plus qu’à conclure que les universités sont livrées à elles-mêmes, au bon vouloir de leurs administrateurs et que la Charte de la langue française ne constitue plus qu’un document de référence et, dans quelques années, ce ne sera plus qu’une anecdote.
Elle ajouta :
Et nous pensons que les universités francophones devraient avoir l’obligation non seulement légale, mais morale de promouvoir le français et de le mettre en application.
La ministre responsable de la Charte de la langue française, Mme Christine St-Pierre, parut troublée par ces propos, au point d’avouer le caractère « percutant » de ce témoignage. Mais habile politicienne, elle en tire une justification des mesures retenues par le gouvernement dans le projet de loi, sans nécessiter d’aller vraiment au-delà :
En 2002, le gouvernement Landry demande aux universités de se doter d’une politique de la langue, puis là, moi, je me dis : Mais pourquoi on demande aux universités de se doter d’une politique, mais qu’on ne demande pas aux universités de rendre des comptes ? C’est comme laisser... Bon. Vous vous dotez d’une politique, personne ne vérifie s’ils le font, puis on ne demande pas de rendre des comptes. Alors, je me suis dit : On va mettre un mécanisme en place pour qu’à certaines périodes les universités et les collèges devront rendre des comptes sur leurs politiques linguistiques. Je pense que, là, on se retrouvait dans une situation où les universités seraient comme tenues de dire : Voici ce qu’on fait, voici comment on améliore la situation du français, voici les gestes que nous posons.
De toute façon, si minimaliste que fût la réforme du régime des politiques linguistiques retenue par le projet de loi 103, elle tomba à l’eau, comme tout le reste du projet, abandonné par le gouvernement. Il n’empêche que les constats faits par Mme Neill ont vivement impressionné les membres du Conseil supérieur de la langue française, au point que dans un avis publié en 2013, le Conseil en a cité de larges extraits, mais sans aller au-delà des changements envisagés dans le projet de loi 103 pour formuler ses propres recommandations[43].
Une autre réforme, mort-née et mal conçue
Il semble que le parti Québécois, à l’origine du bizarre chapitre VIII.1 introduit dans la Charte de la langue française en 2002, ait lui aussi pris conscience de son inefficacité, puisque, de retour au pouvoir sous la houlette de Pauline Marois en 2012, il a tenté de corriger le tir, en déposant un autre projet de réforme de la Charte. Ce projet de loi, portant le numéro 14, incluait entre autres des dispositions sur les politiques linguistiques adoptées par les établissements postsecondaires. Si elles comportaient quelques bonnes idées de corrections, elles faisaient entièrement l’impasse sur l’absence d’identité linguistique préalable des établissements postsecondaires, répétant en cela la même erreur d’analyse que celle du diagnostic posé par la commission Larose. Mis en situation minoritaire, le gouvernement Marois ne put obtenir l’aval nécessaire des partis de l’Opposition pour faire adopter son projet, mort au feuilleton.
Les mesures proposées par la ministre responsable de l’époque, Diane de Courcy, visaient les deux catégories d’établissements postsecondaires. Pour ces deux catégories, le projet entendait impliquer le personnel et les associations étudiantes dans la préparation et la réforme des politiques linguistiques internes, comme dans la production des rapports remis au ministère de l’Éducation. Il prévoyait également de donner plus de publicité aux politiques linguistiques, ainsi que d’obliger les établissements à les réviser sur une base périodique et à produire un rapport d’application triennal détaillé. Destinataire des rapports triennaux, le ministre de l’Éducation devait recevoir le pouvoir de demander des correctifs et d’être informé de ceux qui ont été effectivement appliqués.
Pour ce qui touche les établissements postsecondaires à majorité française, le projet de loi 14 a cherché à renforcer l’effectivité de leurs politiques linguistiques internes ; celles-ci devaient comporter des mécanismes de traitement des plaintes et de consultation auprès du personnel et des associations étudiantes. S’agissant des établissements à majorité anglophone, le projet de loi a tenté, dans des termes alambiqués, de les obliger à mettre au point des critères de sélection lorsque leur capacité d’accueil est limitée. Une façon compliquée de les contraindre à freiner leur expansion, au lieu qu’ils continuent de se remplir de candidats issus du secondaire francophone. Cette dernière mesure souleva l’ire de la Fédération des cégeps ; dans un mémoire déposé en commission parlementaire, elle soutint sans ambages la thèse que les cégeps anglophones, et de surcroît, tous les cégeps au Québec, n’ont aucune mission linguistique particulière, et peuvent donc admettre n’importe quelle « clientèle » dans leurs programmes. À ses yeux, ni l’histoire, ni le droit ne vouent les cégeps anglophones au service de la communauté anglaise du Québec. La Fédération alla même jusqu’à soutenir qu’à la différence des commissions scolaires dont l’identité linguistique est ancrée dans l’histoire et la constitution canadiennes, les cégeps, de création plus contemporaine, seraient dépourvus d’un tel ancrage — comme s’ils formaient des espèces de corporations transnationales sans attache territoriale ou sociolinguistique.
Voici l’extrait du mémoire de la Fédération à ce sujet, révélateur de la manière dont les dirigeants de nos cégeps envisagent la vocation linguistique de leur institution :
Notre dernière objection à l’endroit de l’article 33 porte sur la raison d’être des collèges offrant l’enseignement en anglais. L’alinéa 3 de l’article 88.2.1 déclare que ces collèges ont été créés par le gouvernement pour « la clientèle de langue anglaise ». Or, selon notre compréhension, cette déclaration est sans fondement légal ou juridique. Il est bien sûr véridique que les cégeps de langue anglaise furent créés à la suite des demandes formulées par des personnes venant principalement de la communauté anglophone. Cependant, un lien direct ou une identification étroite de la fonction de ces établissements avec le service à offrir à une « clientèle de langue anglaise » n’existe ni dans la loi actuelle des collèges, qui ne fait pas de distinction entre eux sur une base linguistique, ni dans le Règlement sur le régime des études collégiales, ni même dans les lettres patentes délivrées par le gouvernement à ces établissements lors de leur création.
Il faut convenir qu’il y a à cet égard une distinction fondamentale à faire entre le statut des commissions scolaires anglophones et celui des collèges offrant de l’enseignement en anglais.
Ainsi, en vertu de la constitution canadienne, les membres de la communauté anglophone du Québec ont droit à l’éducation dans leur langue jusqu’au niveau secondaire et ils disposent, pour ce faire, des structures de gouvernance que sont les commissions scolaires, qui ont le mandat de veiller à l’offre de cette formation aux personnes qui y sont admissibles selon des critères linguistiques.
Pour leur part, les collèges du Québec ont été créés et ont toujours opéré selon une logique différente. Leur existence n’est pas ancrée dans la constitution canadienne et ils n’ont donc pas la même raison d’être ni la même mission que les commissions scolaires. Comme on l’a vu, leurs lettres patentes ne font aucune mention de la communauté anglophone et leurs énoncés de mission, tout en spécifiant qu’il s’agit d’établissements dont la langue d’instruction est l’anglais, proposent une vision large quant aux responsabilités qu’ils veulent assumer envers une population aux origines culturelles et linguistiques de plus en plus diversifiées[44].
En lisant ce genre de plaidoyer, on voit où nous mène le régime d’indifférenciation linguistique qui sous-tend les « ordres » collégial et universitaire, où le français continue de subsister comme langue d’enseignement et de régie interne, en vertu d’un droit mou et de coutumes, voire de simples usages. On voit à peu près le même silence se reproduire pour la constitution canadienne, dont seule la Loi constitutionnelle de 1982 connaît une version officielle française. Pour les autres lois constitutionnelles, dont la principale de 1867, les avocats et les juges se suffisent d’une traduction française élaborée par le ministère fédéral de la Justice, qui semble avoir acquis une valeur coutumière. La relégation du français hors du droit officiel, caché dans les silences de la coutume, reproduit un bon vieux principe de gouvernement impérial qui remonte aux Romains et dont les Britanniques se sont fait les champions dans leur vaste empire : aux peuples conquis, la jouissance consolatrice de leurs coutumes ; au maître conquérant, le privilège de faire la loi[45].
Dans l’ensemble, les mesures proposées par le projet de loi 14 pour renforcer le régime des politiques linguistiques dans l’enseignement supérieur ont suscité peu de débats en commission parlementaire. Le Conseil supérieur de la langue française s’est satisfait de constater que le projet améliorait « la reddition de comptes des universités et des collèges quant à l’application de leur politique linguistique », sans autre remarque[46]. Mais qui peut s’intéresser à ce genre de question au sein de la classe politique ?
Le statu quo ou « l’anglicisation systémique » des ordres collégial et universitaire ?
On voit dès lors que pour redresser la situation du français, minée par un processus insidieux d’anglicisation systémique décrit par le journaliste Michel David[47], il ne suffira pas de restreindre l’accès aux cégeps anglophones, où s’engouffrent plus que jamais allophones et francophones pressés d’entrer dans les sphères dominantes des empires canadien et américain. Étendre l’application de la loi 101 au collégial, par exemple, comme le réclament depuis longtemps à cor et à cri de nombreux défenseurs de la langue française sans sortir les établissements postsecondaires au Québec de leur indéfinition linguistique, aboutirait probablement à une nouvelle impasse. Ces cégeps « à majorité française », soudain devenus hôtes d’étudiants qui auraient préféré l’éducation en anglais, auraient alors tout le loisir de leur offrir des formations bilingues ou en anglais seulement, après avoir conformé leurs politiques linguistiques aux nouvelles circonstances. Ces cégeps pourraient ainsi tous devenir « bilingues » sans contrevenir aucunement à la Charte de la langue française, avec au surplus la bénédiction du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui allongerait le financement requis pour accommoder les désirs des clientèles collégiale et universitaire, sans exercer le moindre droit de regard sur leur orientation linguistique et leur expansion pavillonnaire.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut écarter la solution de l’application de loi 101 aux cégeps, bien au contraire ; elle demeure l’une des meilleures options pour faire accéder le français au statut de langue nationale et adulte dans l’enseignement supérieur. Seulement, la réclamer de manière incantatoire est peine perdue ; il faut l’assortir d’une réforme qui confère aux établissements postsecondaires une identité linguistique nette et indiscutable. Cette nécessaire réforme passe même par un ressaisissement du législateur, qui devra, en matière linguistique, réapprendre à poser des normes véritablement effectives, et non à sous-traiter, par des circonvolutions, leur fabrique à des ordres parallèles. Comme l’a déjà rappelé au palais de l’Élysée l’ancien président du Conseil constitutionnel français, Pierre Mazeaud :
La loi n’est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des vœux ou dessiner l’état idéal du monde (en espérant sans doute le transformer par la seule grâce du verbe législatif ?)
La loi ne doit pas être un rite incantatoire.
Elle est faite pour fixer des obligations et ouvrir des droits.
En allant au-delà, elle se discrédite[48].
L’« anglicisation systémique » du Québec n’est pas étrangère à la situation qui prévaut dans les cégeps et les universités ; elle opère sans nécessité pour le législateur québécois de faire quoi que ce soit. Elle se déploie grâce au statu quo et au principe néo-libéral du « marché aux étudiants » qui structure le financement et les admissions dans « l’ordre » postsecondaire que l’État du Québec a édifié lui-même. Elle s’appuie sur un processus de contraction lente, par lequel, sans que personne ne s’en formalise, le français subit une décroissance ou un tassement jugé inévitable au nom de l’internationalisation, de la « saine » concurrence entre établissements et de l’ouverture. C’est le « toujours moins », moins de cours, de programmes, d’entretiens d’embauche, de publications, de conférences, de matériel pédagogique, de mémoires, de thèses, d’interactions au travail en français.
Il est cependant facile d’accuser le « néo-libéralisme » pour expliquer l’invisible rétrogradation de la langue française dans les ordres collégial et universitaire. Cette minoration du français met en présence une autre dimension idéologique dont on parle peu : c’est la culture particulière qui étreint ces deux ordres, un alliage étrange de libéralisme individualiste, de communautarisme et de corporatisme social qui voit les cégeps et les universités comme des sociétés indépendantes, autogouvernées, hors sol. Fonctionnant en « réseaux » ou en « rhizomes » — comme y aspirent les avocats d’une régulation « acentrée » et lecteurs de Deleuze et de Guattari —, ces établissements n’auraient pas d’obligation à l’égard de l’État et de la société québécoise, qui leur fournissent néanmoins le logis, le boire et le manger. On est loin aujourd’hui des vœux exprimés par la commission Parent en 1965, qui se figuraient au Québec des universités autonomes avides de servir le bien commun national sous les auspices d’un État subsidiaire. Dans le monde postsecondaire actuel règne plutôt une culture bien peu républicaine où l’intérêt bien compris des sous-groupes qui s’entre-surveillent prime toute visée commune à l’ensemble de la collectivité ; malgré tout ce qui les divise sur le plan socioéconomique, autant l’anarcho-syndicaliste que le gestionnaire formé au nouveau management capitaliste y trouvent leur compte. Le chapitre VIII.1 de la Charte de la langue française et le défunt projet de loi 14 ont formulé des solutions boiteuses pour sceller la vocation linguistique de l’ordre postsecondaire vraisemblablement par crainte d’attenter à l’idéologie qui innerve cet ordre, où chaque composante se gouverne dans sa bulle, mais soumise à de puissantes normes, étrangères à celles de la collectivité nationale dont elle dépend. Ainsi, personne ne s’étonne au Québec que les administrateurs des cégeps, recrutés par leur conseil d’administration à la manière d’une grande entreprise, ne reçoivent aucune formation commune ou ne sortent pas d’une école nationale d’administration postsecondaire. C’est sans doute pourquoi, chacun à son affaire, plusieurs aujourd’hui de ces administrateurs gèrent leur cégep comme une entreprise aux ambitions transnationales, les yeux rivés sur les statistiques d’admissions et les subventions qu’ils en peuvent escompter, quittes, s’il le faut, à servir la langue dominante.
Et quant aux universités québécoises, aspirées par l’academia anglo-américaine, elles volent tellement à haute altitude, que le sort du français terreux et encombrant ne saurait entraver leur course. Dans son fameux rapport, la commission Parent écrivait du reste en 1965: « Le gouvernement du Québec tout entier doit, tout en veillant à ne pas isoler le Québec en un ghetto, adopter des mesures très fermes pour protéger le français non seulement dans les écoles et universités, mais dans toute la vie publique[49]. » Qu’a-t-il fait pour les universités? Enfermer la langue officielle dans du droit mou ou pire, du non-droit.
Annexe, Extraits de la Charte de la langue française, chapitre VIII.1, ch. C-11.
CHAPITRE VIII.1
LES POLITIQUES DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT COLLÉGIAL ET UNIVERSITAIRE RELATIVEMENT À L’EMPLOI ET À LA QUALITÉ DE LA LANGUE FRANÇAISE
88.1. Tout établissement offrant l’enseignement collégial, à l’exception des établissements privés non agréés aux fins de subventions, doit, avant le 1er octobre 2004, se doter, pour cet ordre d’enseignement, d’une politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française. Il en est de même de tout établissement d’enseignement universitaire visé par les paragraphes 1° à 11° de l’article 1 de la Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire (chapitre E-14.1).
Tout établissement visé à l’alinéa précédent qui est créé ou agréé après le 1er octobre 2002 doit se doter d’une telle politique dans les deux ans suivant sa création ou la délivrance de son agrément.
88.2. La politique linguistique d’un établissement offrant l’enseignement collégial ou universitaire en français à la majorité de ses élèves doit traiter :
1° de la langue d’enseignement, y compris celle des manuels et autres instruments didactiques, et de celle des instruments d’évaluation des apprentissages ;
2° de la langue de communication de l’administration de l’établissement, c’est-à-dire celle qu’elle emploie dans ses textes et documents officiels ainsi que dans toute autre communication ;
3° de la qualité du français et de la maîtrise de celui-ci par les élèves, par le personnel enseignant, particulièrement lors du recrutement, et par les autres membres du personnel ;
4° de la langue de travail ;
5° de la mise en œuvre et du suivi de cette politique.
Celle d’un établissement offrant l’enseignement collégial ou universitaire en anglais à la majorité de ses élèves doit traiter de l’enseignement du français comme langue seconde, de la langue des communications écrites de l’administration de l’établissement avec l’Administration et les personnes morales établies au Québec ainsi que de la mise en œuvre et du suivi de cette politique.
88.3. La politique linguistique de l’établissement d’enseignement doit être transmise au ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie dès qu’elle est arrêtée. Il en est de même de toute modification qui y est apportée.
Sur demande, l’établissement d’enseignement doit transmettre au ministre un rapport faisant état de l’application de sa politique.
Notes
[1] Marc Chevrier, « L’anglais, langue nationale du Québec et de la... France », Encyclopédie de l’Agora, 3 mars 2016. En ligne : http://agora.qc.ca/documents/l_anglais_langue_nationale_du_quebec_et_de_la_france .
[2] Voir aussi Marc Chevrier, « La multiversité en démocratie : réflexions sur le pouvoir universitaire, au Québec et ailleurs », dans É.-Martin Meunier (dir.), Le Québec et ses mutations culturelles : six enjeux pour le devenir d’une société, Ottawa, Les presses de l’Université d’Ottawa, 2016, p. 195-254. Reproduit dans l’Encyclopédie de l’Agora, http://agora.qc.ca/documents/la_multiversite_en_democratie_reflexions_sur_le_pouvoir_universitaire_au_quebec_et_ailleurs .
[3] Loi modifiant la Charte de l’Université de Montréal, L.Q., c. 29.
[4] Article 2, Statuts de l’université Laval, 2019, en ligne : https://www.ulaval.ca/sites/default/files/notre-universite/direction-gouv/Documents%20officiels/Charte%20et%20statuts/Statuts-Universite-Laval.pdf . Les statuts n’ont cependant pas la même valeur qu’une charte constitutive. Celle-ci émane du souverain, alors que les autres constituent des documents appartenant à l’ordre interne d’une corporation.
[5] Le titre au long, Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, ch. C-29, État du Québec. Dans le reste du texte, pour en simplifier la désignation, il sera question de la Loi sur les cégeps.
[7] Voir Lettres patentes du collège régional Champlain, Décret 858-2019, 21 août 2019, publié dans la Gazette Officielle, Partie II, 4 septembre 2019, 151e année, no 36, 3767-3770, en ligne : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=1&file=71151.pdf .
[8] Règlement sur le régime des études collégiales, ch. C-29, r. 4.
[9] Voir le site lexicographique du Centre national de ressources textuelles et lexicales, sous l’article « prétérition ». https://www.cnrtl.fr/definition/pr%C3%A9t%C3%A9rition .
[10] Anne-Marie Prevost, « Dire sans nommer, Les mécanismes périphrastiques dans l’œuvre narrative de Marguerite Yourcenar », L’Information grammaticale, no 93, mars 2002, p. 53-54.
[11] Voir Programme Sciences humaines avec langue seconde enrichie, Programmes d’études préuniversitaires, Enseignement collégial, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, État du Québec, novembre 2019, 49 p. En ligne : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/enseignement-superieur/300.C0-2012-Sciences-humaines-langue-seconde-enrichie-2019.pdf .
[12] Loi modifiant la Charte de la langue française, 2002, c. 28, Loi de l’État du Québec.
[13] Institut Teccart, Politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française, 2 mai 2008, http://www.teccart.qc.ca/files/Politique_relative_a_la_lague_francaise.pdf .
[14] Sur cette tendance à l’anglicisation de l’offre de cours dans les cégeps dits « francophones », voir Sébastien Mussi, « 50 ans des cégeps. Le retour du bilinguisme colonial ? », L’Action nationale, Vol. 107, no 9, nov. 2017, p. 11-23.
[15] Politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française du cégep de l’Outaouais, 22 février 2005, en ligne : http://www.cegepoutaouais.qc.ca/images/pdf/DCAC%20-%20P2%20Politique%20Langue%20francaise%2011.02.05.pdf .
[16] Sont cités l’article 1 et le préambule de la Politique linguistique de l’Université de Montréal.
[17] Syndicat des professeures et des professeurs de l’Université du Québec en Outaouais et Université du Québec en Outaouais, [TA] 2008-8996, sentence arbitrale de grief, par 353. Le juriste Guillaume Rousseau est plutôt d’avis que l’article 88.2 de la Charte de la langue française et « les politiques qui en découlent doivent être interprétés à la lumière de la CLF, notamment de son préambule qui parle de la volonté de faire du français “la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires”. » Voir Guillaume Rousseau, « La langue de l’enseignement : le français de l’école à l’université », dans Guillaume Rousseau, Éric Poirier, François Côté et Nicolas Proulx, Le droit linguistique, Montréal, LexisNexis, 2017, p. 339.
[18] Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Montréal et Université du Québec à Montréal, sentence arbitrale de grief, [TA] 2011-7563, par. 44.
[19] Andre Klump, « La Faculté de foresterie et de géomatique – Le français et les universités francophones du Québec », dans Béatrice de Bagola (dir.), Français du Canada, Français de France VIII, Actes du huitième Colloque international de Trèves, du 12 au 15 août 2007, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 2009, p. 239.
[20] Voir Anne-Sophie Bartez et al., Le droit souple, Actes du colloque « Le droit souple » organisé par l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française avec le concours de la Faculté de droit et du Laboratoire de Recherche Juridique de l’Université du Littoral - Côte d’Opale, Paris, Dalloz, 2009, 178 p. Voir aussi Lorne Sossin et Charles Smith, « Hard Choices and Soft Law: Ethical Codes, Policy Guidelines and the Role of the Courts in Regulating Government », Alberta Law Review 40 (2003), p. 867-893.
[21] Jacques Chevallier, L’État post-moderne, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2017, p. 187.
[22] Syndicat des professeures et des professeurs de l’Université du Québec en Outaouais et Université du Québec en Outaouais, [TA] 2008-8996, voir notamment le par. 352.
[23] Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Montréal et Université du Québec à Montréal, sentence arbitrale de grief, [TA] 2011-7563, par. 45.
[25] Voir Commission de l’évaluation de l’enseignement collégial, L’Évaluation institutionnelle, 13 juin 2000, en ligne : http://www.ceec.gouv.qc.ca/bibliotheque/?doc=70867 .
[26] Guillaume Rousseau, déjà cité, p. 342.
[27] Jennifer Dion, Le défi de former une relève scientifique d’expression française, L’Usage du français et de l’anglais dans la formation universitaire aux cycles supérieurs au Québec, Conseil supérieur de la langue française, décembre 2012, p. 37-38.
[28] Lisa-Marie Gervais, « Dérive vers l’anglais à l’UdM ? », Le Devoir, 29 janvier 2014.
[29] Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Montréal et Université du Québec à Montréal, sentence arbitrale de grief, [TA] 2011-7563, par. 67.
[30] Guillaume Rousseau, déjà cité, p. 341.
[31] Michel Laporte, « Enseignement de l’anglais à l’UQAM, The colonization of myself », Bulletin de liaison du SPUQ, septembre 2011, no 284, p. 5.
[32] Article 3.2, Politique de la langue française, Cégep de Sherbrooke.
[33] Jennifer Dion, déjà citée, 38.
[34] Politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française, Polytechnique Montréal, 26 mai 2005.
[35] Voir notamment l’article 5.2, Politique relative à l’emploi et à la qualité de la langue française, Université de Sherbrooke, 28 septembre 2004.
[36] Article 7.7, Politique linguistique, Université du Québec en Outaouais.
[37] Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française, Le français, une langue pour tout le monde, 2001, État du Québec, p. 78.
[38] Voir Gaëtan Boucher, « Langue d’enseignement au cégep : le Québec a fait le bon choix », Le Soleil, 17 septembre 2009.
[39] Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française, Le français, une langue pour tout le monde, déjà cité, p. 58-59.
[40] Gérald Larose, « Le français n’a plus d’officiel que le qualificatif », Le Devoir, 27 avril 2016.
[41] Réjean Parent, « Le caractère français de nos cégeps et universités sont en danger », Le Devoir, 27 juin 2007.
[42] Voir l’affaire Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), [2009] 3 R.C.S. 208.
[43] Conseil supérieur de la langue française, Redynamiser la politique linguistique du Québec, avis à la ministre responsable de la Charte de la langue française, 2013, État du Québec, recommandation 25, p. 97-98.
[44] Fédération des cégeps, Mémoire présenté à la Commission de la Culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale, 18 février 2013, en ligne, https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/2013/04/M%c3%a9moire-F%c3%a9d%c3%a9ration-des-c%c3%a9geps-Projet-de-loi-14-F%c3%a9v.2013.pdf .
[45] J’ai traité plus longuement des diverses facettes du gouvernement impérial transplanté au Canada dans L’Empire en marche, des peuples sans qualités de Vienne à Ottawa, Québec, Presses universitaires Laval, Paris, Hermann, 2019, 635 p.
[46] Déposition de Robert Vézina, Conseil supérieur de la langue française, Journal des débats, commission permanente de la culture et de l’éducation, Assemblée nationale, État du Québec, 12 mars 2013, vol. 43, no 10, p. 26.
[47] Michel David, « L’anglicisation systémique », Le Devoir, 11 juin 2020.
[48] Pierre Mazeaud, Vœux de président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, au Président de la République, Cahiers du Conseil constitutionnel, no 18, juillet 2005, https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/voeux-du-president-du-conseil-constitutionnel-m-pierre-mazeaud-au-president-de-la-republique-0 .
[49] Rapport de la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, Les structures pédagogiques du système scolaire. B. Les programmes d’études et les services éducatifs, t. 3, édition numérique, Québec, Les publications du Québec, 1965, p. 64, par. 621, en ligne : http://classiques.uqac.ca/contemporains/quebec_commission_parent/rapport_parent_3/rapport_parent_vol_3.pdf .
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