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« Dérives du pédagogisme : pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué »

Un texte de Danic Parenteau
Thèmes : Éducation, Famille, Société
Numéro : Argument 2022 - Exclusivité web 2022

J’apprends en lisant l’article paru dans les pages du Journal de Montréal du 11 août dernier, « Modération des notes : plusieurs autres élèves échouent malgré de bons résultats », que le cas de mon fils n’est pas unique. Malgré une note finale de 74 % dans son Bulletin scolaire pour son cours Science et technologies (4e secondaire), il découvre, en recevant son Relevé des apprentissages par la poste il y a quelques jours, que sa note ne sera finalement que de 55 %. Mais par quel tour de magie sa note a-t-elle pu chuter de 19 % ? En parcourant le portail officiel du ministère de l’Éducation du Québec[1], on apprend que depuis 1974, par « souci d’équité », on procède à une « modération » des notes finales et ce, afin de tenir compte des différents niveaux d’évaluation des écoles en cours d’année. Ajoutons que sa note avait déjà fait l’objet d’une « conversion », avant ou après sa « pondération » et son « ajustement »… C’est à n’y rien comprendre. Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué! En fait, combien insaisissable semble être la science pédagogique pour le profane que je suis. Car à moins de détenir un doctorat en statistiques, les explications fournies sur le portail officiel du ministère de l’Éducation apparaissent des plus ésotériques. Pour l’essentiel, je retiens qu’après avoir obtenu sa note finale, celle-ci a été modifiée par quelque mystérieuse procédure statistique par un fonctionnaire du ministère – ou plutôt, non, cela n’est certainement pas l’œuvre d’une seule personne, mais plus vraisemblablement d’un comité de travail, en coordination avec des sous-comités consultatifs, appuyés par les travaux de groupes de travail, si ce n’est des comités de validation...

Mais laissons de côté ces détails, pour nous concentrer sur l’essentiel, soit le fait que la note finale de mon fils a été abaissée de 19%. Ce tour de passe-passe statistique appliqué après coup à une note finale obtenue dans un cours me semble incompatible avec tous les principes pédagogiques les plus élémentaires. D’abord, ce processus est tout sauf transparent. Quelles sont les données et les calculs accessibles au grand public et aux premiers intéressés, les élèves eux-mêmes, qui permettent de justifier cette baisse ? Rien de tout cela n’est accessible au grand public. Au surplus, pour ajouter au caractère opaque de cette manœuvre, son Relevé des apprentissages n’indique pas quelle note il a obtenue à son examen final. Nul doute, que ce processus mobilise un appareil statistique complexe et valide, mais à défaut de pouvoir être compris et anticipé, ce mécanisme apparait tout simplement occulte. Comment peut-on sérieusement s’imaginer qu’un élève du secondaire puisse comprendre quoi que ce soit à sa note finale ?

Ensuite, cette façon de faire apparaît parfaitement contraire avec ce que l’on pourrait appeler « l’attente raisonnable ». À la fin d’une séquence d’apprentissage, ici au terme d’un cours en fin d’année scolaire, il est tout à fait normal qu’avant d’entreprendre l’épreuve finale – ou « sommative », pour utiliser le jargon pédagogique – un élève sache grosso modo à quoi s’attendre en termes de résultat final. Il est conscient qu’il risque l’échec ou, au contraire, il s’engage dans l’examen confiant, au vu des résultats qu’il a obtenus tout au long de l’année. Alors que mon fils pouvait raisonnablement s’attendre à passer ce cours, fort de bons résultats avant d’arriver à l’examen final qui ne comptait que pour 20 % de sa note globale, il apprend, deux mois plus tard – oh surprise ! – qu’il a échoué. Inutile de dire qu’en recevant son Relevé des apprentissages il n’y a que quelques jours, il était trop tard pour lui et il ne pouvait plus non plus s’inscrire au nouveau cours qui se donnait durant été.

Enfin, cette manière fait une trop belle part à la subjectivité. L’évaluation ne sera jamais une science objective, sauf peut-être si l’on réduit toutes les évaluations à de simples examens de vrais ou faux. Mais, il y a tout de même des limites. Tout enseignement efficace doit toujours reposer sur un sentiment de confiance de la part de l’élève à l’égard du processus d’évaluation auquel il est soumis. Cela implique au premier chef, le fait de se savoir traité objectivement et équitablement. Comment mon fils peut-il se retrouver dans la manière de faire actuelle, où une bonne partie de sa note finale est soumise à un processus occulte relevant d’une décision en apparence arbitraire du ministère ?

Au demeurant, si le Québec a fait le choix d’imposer aux élèves du secondaire une épreuve unique, principe que je ne conteste pas, même si je ne peux m’empêcher de souligner que cette façon de faire est à ma connaissance inexistante dans les autres provinces canadiennes  – soit un même examen pour tous les élèves, quelle que soit l’école fréquentée, privée ou publique, de l’Abitibi à Montréal, en passant par la Gaspésie –, encore faut-il que pour que cette évaluation puisse avoir quelque valeur que ce soit, qu’ils aient tous pu recevoir sensiblement le même enseignement en cours d’année. À épreuve unique, enseignement unique. Ce qui n’est dans les faits évidemment pas le cas. Ce dont le ministère lui-même reconnaît d’ailleurs implicitement en mettant en place cette procédure statistique afin de compenser les disparités de la qualité de l’enseignement offert dans les écoles secondaires québécoises. Or, si une compensation est nécessaire, celle-ci ne devrait jamais l’être en aval, en modifiant les notes finales après coup, mais bien plutôt en amont, soit en dotant de ressources nécessaires toutes les écoles du Québec, afin que tous leurs élèves, sans exception, puissent avoir droit à un enseignement de qualité et comparable.

 

 

Danic Parenteau, Montréal

Père d’un élève entrant en Cinquième secondaire à l’École Jeanne-Mance

Image: Peng, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

[1] http://www.education.gouv.qc.ca/parents-et-tuteurs/evaluation-des-apprentissages-et-epreuves-ministerielles/traitement-des-resultats/conversion-et-moderation/


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