Par Laurent-Michel Vacher [1]
Il n’est pas rare d’entendre l’opinion selon laquelle, au Québec, tout le monde serait plus ou moins nationaliste, de Jean Charest, Claude Ryan, Jean Chrétien et Daniel Johnson jusqu’à Pierre Falardeau, Guy Bouthillier ou Pierre Bourgault en passant par Lucien Bouchard et Gilles Duceppe. En un certain sens, ce n’est sans doute pas entièrement faux : chacun ne se déclare-t-il pas “ fier d’être Québécois ” et ne prétend-il pas en toute occasion “ défendre les intérêts du Québec ” ? Mais dans un autre sens, probablement plus significatif et important, je crois qu’on pourrait parfaitement soutenir la thèse contraire, à savoir que plus personne ou presque n’est vraiment — ou du moins ouvertement — nationaliste au Québec.
Pour tenter de mieux faire comprendre cet apparent paradoxe, je prendrai d’abord, à titre d’exemple, une simple comparaison (et j’adopterai, par la même occasion, une petite convention d’écriture). Qu’est-ce que le matérialisme ? Au sens courant, le matérialisme c’est l’attitude qui consiste à valoriser l’argent, la consommation et les biens matériels. Mais par ailleurs, en un sens philosophique beaucoup plus précis et spécialisé, le Matérialisme désigne la doctrine selon laquelle tout ce qui existe est exclusivement formé de matière physique — partant, rien d’immatériel n’existerait réellement, ni divinité spirituelle, ni âme immortelle des défunts, etc. On peut soupçonner que ces deux sens distincts d’un même terme aient de vagues rapports entre eux, mais il n’en demeure pas moins qu’ils sont suffisamment divergents pour que quelqu’un puisse être matérialiste au premier sens sans être Matérialiste au deuxième et réciproquement.
Mutatis mutandis, je voudrais pareillement proposer de bien distinguer ici entre, d’une part, le nationalisme au sens courant, vaste ensemble d’attitudes politiques consistant à exalter tout ce qui ressemble de près ou de loin à des sentiments de fierté nationale, en se réclamant à tout propos de l’intérêt national, et d’autre part ce que j’appellerai la doctrine Nationaliste, désignant par là une véritable idéologie ou philosophie anthropologico-politique selon laquelle :
1) l’humanité est fondamentalement composée d’entités collectives facilement identifiables et bien distinctes qu’on nomme des “ nations ”, des “ peuples ” ou des “ nationalités ”, chaque être humain étant normalement membre d’un tel peuple-nation, qui forme sa communauté d’appartenance primordiale et qui peut seul lui procurer une identité morale et culturelle forte — double postulat de l’existence et de l’essentialité du fait national ;
2) les structures politiques et institutionnelles devraient autant que possible coïncider avec ces unités nationales et être au service de leur destinée historique, toute nationalité suffisamment nombreuse, viable et consciente d’elle-même ayant un droit naturel à posséder son propre État indépendant et à former un pays souverain — double thèse de la subordination du politique au national, ou de la primauté du national sur le politique, et du droit à l’affirmation politique des nations.
C’est là une vision raisonnablement claire, relativement simple, qui a ses lettres de noblesse depuis Herder et Fichte et qui n’est pas dénuée d’une certaine vraisemblance, même s’il s’agit d’une invention romantique datant au plus de deux siècles (et non pas d’une conception naturelle ou intemporelle, comme ses partisans voudraient parfois nous le faire croire). Mon intention dans cet article n’est pas de m’en prendre au Nationalisme considéré en lui-même, mais bien à la mauvaise foi d’un “ souverainisme ” qui fait semblant à bon compte de ne pas être nationaliste alors qu’au fond il l’est bel et bien.
Remarquons au passage qu’il ne s’agit pas ici d’une caricature tendancieuse ni d’une quelconque interprétation radicale ou extrémiste : le Nationalisme ainsi entendu, c’est tout simplement un idéal-type doctrinal et philosophique, dont le noyau générateur minimal a été maintes fois décrit et analysé par les spécialistes (notamment Ernest Gellner). On peut récuser ce Nationalisme pour de nombreuses raisons. Par exemple, on peut le faire soit sur la base d’une critique de sa conception même de ce que seraient les nations (conception que l’on peut juger inconsistante, arbitraire, dangereuse, raciste, imprécise, douteuse, relative ou changeante) [2] ; soit sur celle d’un rejet motivé de la prétendue priorité déterminante qu’elle accorde par principe aux phénomènes nationalitaires sur les phénomènes politiques ; soit pour ces deux raisons principielles à la fois.
Il est aussi permis de s’inquiéter, dans une perspective plus pragmatique, de la constatation qu’il y aurait aux alentours de deux mille nations identifiables sur la planète, dont la moitié environ pourraient sembler suffisamment populeuses et solides pour prétendre au statut de candidats à l’indépendance, alors que l’ONU compte à l’heure actuelle moins de deux cents États membres. Il ne fait guère de doute, en effet, que le Nationalisme aurait, s’il devait être pris au sérieux à l’échelle planétaire, des conséquences incalculables qui bouleverseraient l’ordre géopolitique régnant, les questions territoriales étant bien entendu au premier rang de celles qui risqueraient de s’avérer les plus difficiles à régler dans une telle optique, la dislocation de plusieurs des grands États multinationaux actuels en étant une conséquence incontournable, avec tous les risques, incertitudes et conflits qu’une telle série de transformations supposerait probablement.
Cela étant, répétons que certes, au Québec, tout le monde semble bien être plus ou moins nationaliste au sens courant, pour d’évidentes raisons historiques, politiques et... démagogiques. Mais le point significatif et étrange, après deux référendums et plusieurs décennies de mouvement soi-disant “ souverainiste ”, c’est que personne ou presque ne semble plus aujourd’hui disposé à s’avouer Nationaliste en ce sens idéologico-philosophique. Le meilleur signe de ce curieux état de fait, ce sont les innombrables tergiversations et acrobaties de nos penseurs “ souverainistes ” au sujet de la nation [3]. En effet, pour tout indépendantiste d’inspiration Nationaliste le moindrement articulé, il semblerait logiquement inévitable de se poser en priorité des questions comme : Qu’est-ce qu’une nation ? et Qui fait partie de la nation québécoise ?
Avant d’aller plus loin, il importe de bien réaliser que le mot “ nation ”, n’appartenant absolument pas en exclusivité aux penseurs Nationalistes, possède divers usages, pas tous compatibles entre eux et surtout pas tous Nationalistes. Par exemple, pour les fédéralistes canadiens ou pour les “ républicains ” français, il est tout à fait normal d’invoquer une “ nation ” canadienne en construction à laquelle appartiendrait tout citoyen canadien, ou bien une “ nation ” française englobant les Basques, les Corses, les Bretons, les Alsaciens, les Juifs, etc. Même si cela peut surprendre, nous avons affaire dans ces cas-là à un sens parfaitement non-Nationaliste (voire essentiellement anti-Nationaliste) du mot “ nation ” ! C’est d’ailleurs ce qu’on baptise parfois la conception civique de la nation ou la “ nation civique ” : la totalité des membres d’un État réellement existant, quelle que soit leur... nationalité d’origine ou le degré d’autonomie accordé ou non à tel ou tel groupe national au sein de l’État en question. Alors que, dans la logique Nationaliste, c’est le peuple-nationalité qui est premier (et l’État qui devrait en dériver), dans cette autre logique complètement inverse, dite “ civique ”, c’est juste le contraire, l’État étant premier et la “ nation civique ” en émanant par delà toute considération de nationalité au sens Nationaliste : la “ nation ” signifie seulement ici “ l’ensemble des citoyens ” et “ ne fait référence à aucune racine, à nul caractère ancestral commun ”, étant conçue comme “ contractuelle, formée de ceux qui veulent vivre sous les mêmes lois, quels que soient leurs origines, leur religion, leur lieu de naissance[4]. ”
On comprendra que pour toute approche vraiment Nationaliste, le concept de nation joue ainsi un rôle absolument fondamental et que sa définition même constitue donc un enjeu vital. Et de fait, tout repose entièrement sur cette notion clé, puisque le propre de ce Nationalisme est, comme nous l’avons rappelé, de soutenir que c’est la nation qui constituerait la donnée déterminante, antérieure par rapport à l’État, ce dernier étant appelé à se calquer sur les réalités nationales et non l’opposé. Par conséquent, si l’idée de nation devait y devenir floue, on voit sans peine que le Nationalisme risquerait inévitablement de s’effondrer.
Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, la mode chez nos penseurs politiques “ souverainistes ” est au “ pluralisme conceptuel ” en matière de définitions de la nation : le concept de “ nation ”, soutiennent-ils avec délectation, devrait être aussi ouvert et polysémique que possible. Plusieurs auteurs insinuent que notre nationalisme serait une position parfaitement respectable vu que divers grands penseurs européens ont disserté aussi noblement et libéralistement qu’on peut le désirer sur la nation (mais entendue en des sens pré-Nationalistes ou non-Nationalistes, détail sur lequel on se garde bien de s’attarder...). Dans les colloques universitaires, on s’en donne à cœur joie en matière de polysémie : nation ethnique, nation culturelle, nation civique, nation socio-politique, nation construite, nation multiethnique, nation citoyenne, nation tribale, nation plurielle, ces approches et d’autres encore seraient belles et bonnes, tout dépendant des cas. Et de fait, pour un non-Nationaliste, ce genre de pluralisme ne saurait poser aucun problème aigu. Mais pour tout Nationalisme, c’est l’ensemble de son édifice théorique qui s’expose ainsi à sombrer.
Bien sûr, il convient en toute cette affaire de ne jamais perdre de vue que, quelles que soient par ailleurs ses difficultés, le Nationalisme présente un avantage potentiel déterminant : il conduit automatiquement à l’idée d’indépendance nationale. En effet, dans la logique Nationaliste, tout peuple-nation suffisamment nombreux et conscient, mais qui ne jouit pas de son propre pays (a fortiori s’il est minoritaire dans un État dominé par un autre peuple-nation majoritaire), se voit conférer automatiquement le droit de revendiquer son accession à l’indépendance. On saisit donc clairement à quel point la question cruciale sur laquelle repose tout cet édifice Nationaliste (et par conséquent indépendantiste) se concentre nécessairement sur le problème capital de répondre sans équivoque à l’interrogation : Qu’est-ce qu’une nation ?
À quoi, pour sa part, le Nationalisme répond qu’une nation (ou peuple ou nationalité), c’est une communauté durable, à laquelle en règle générale on appartient de naissance, qui est relativement bien délimitée et caractérisée, partageant une suffisante uniformité d’origine ou d’ascendance, possédant à titre de patrimoine propre une culture, une langue et des traditions, un style de vie ou des valeurs communes, occupant majoritairement un certain territoire ancestral où elle est bien enracinée, ayant conscience de son identité culturelle, morale, historique ou socio-politique et désirant continuer à vivre ensemble et cultiver son appartenance, afin de maintenir et promouvoir sa personnalité collective (cette espèce d’esprit collectif ou âme nationale qu’évoque le Volksgeist de Herder). C’est ainsi que le Nationalisme, dans le cas qui nous occupe, soutiendrait que les francophones du Québec constituent une nation, alors que, de leur côté, l’ensemble des Canadiens anglophones en forment une autre. De plus, les peuples autochtones seraient aussi des nations dans ce même sens Nationaliste, leur seul problème étant celui de leur nombre et de leur viabilité (petites nations) — tandis que les minorités ethniques n’en sont manifestement pas.
Cette logique devrait, semble-t-il, être celle des partisans du PQ et du Bloc. Mais voilà, nos “ souverainistes ” sont gens fort délicats, pour lesquels un tel Nationalisme présente trop de relents indésirables de conservatisme, de racisme, de xénophobie, d’exclusion, de guerre civile, d’intolérance, de rejet de l’autre, de fermeture sur soi — bref il n’est pas politiquement correct. Alors nos puissants penseurs “ souverainistes ” ont décidé de se dédouaner en affirmant que toutes ces vieilles histoires de “ deux peuples ” au Canada, c’était fini, et que le “ souverainisme ” québécois se devait désormais d’entretenir plutôt une conception moderne, civique, libérale, culturelle, socio-politique et non ethnique de ce qu’il est.
Il faut avouer que c’est bien joli. Trop joli même. Car il y a un léger problème. Si tous les péquistes se convertissaient réellement (et non du bout des lèvres ou pour la galerie) à une telle conception non-Nationaliste de la “ nation québécoise ”, personne n’aurait plus aucun motif impérieux d’envisager son indépendance. La “ nation civique québécoise ”, entendue en ce sens non-Nationaliste, ne jouit-elle pas en effet, dans le Canada actuel, d’un degré extrêmement enviable d’autonomie, de respect et de prospérité, et n’est-elle pas en mesure de s’épanouir et de se protéger d’une façon que bien des peuples de la Terre lui envieraient, le tout au sein d’un État de droit libéral et pluriculturel ?
Un coup parti, pluralisme conceptuel oblige, reconnaissons donc que, de son côté, la “ nation ” canadienne en construction, aussi civique et multiethnique qu’on peut le désirer, ne manquerait pas non plus de charme dans une telle optique post-tribale. Oui, pluralisme conceptuel oblige : à la limite, quoi de mieux que de faire partie de plusieurs “ nations ” à la fois, voire d’une hyper-nation multiculturelle et post-traditionnelle ? Québécois les jours pairs, Canadiens les jours impairs, Occidentalo-Atlantiques bilingues la nuit et Nord-Américains latins durant la journée, ne nous voilà-t-on pas d’un seul coup post-modernes et post-Nationalistes à la fois — pluralistes en diable, en effet, mais évidemment on voit mal par quelle logique bizarre cela pourrait encore donner à quiconque le goût de pencher pour la “ souveraineté ”, à moins que cette dernière ne soit la récompense due à tant de modernité, d’ouverture et de modération...
Ainsi vont l’hypocrisie, la fanfaronnade et le mensonge “ souverainistes ”, qui ont fini par trouver leurs philosophes de service. Ces gens-là, depuis René Lévesque, veulent décidément le beurre et l’argent du beurre. Ils désirent une sécession qui n’aurait même pas à dire son vrai nom, et c’est pourquoi ils ne nous parlent jamais d’indépendance mais plutôt d’association, de partenariat, de droit au passeport canadien, de dollar commun, de nouvelle confédération égalitaire, de tolérance exemplaire envers les Anglos et de citoyenneté québécoise pour tous. Ils voudraient bien un nouveau pays, mais sans jamais avoir à se compromettre avec une doctrine aussi dépassée, absurde et yougoslave que le Nationalisme. Ils souhaitent un troisième référendum et un siège à l’ONU, mais non sans réclamer préalablement leurs certificats de libéralisme, de droits de l’homme, de démocratie, de post-modernité, de libre-échangisme, d’ouverture à l’autre, de respect irréprochable des minorités et que sais-je encore.
Le bavardage éternellement vantard des “ souverainistes ” soutient volontiers que si le Québec accédait à la “ souveraineté ” par des voies démocratiques et pacifiques, il y aurait là un exemple pour le monde entier. Ce serait, en vérité, un exemple peu commun de mauvaise foi, de dissimulation, de fausse conscience, de tromperie et de duplicité. Mais notre mode philosophique actuelle n’a rien à dire à ce propos, tout au contraire, puisque l’une de ses dernières trouvailles n’est autre que le “ nationalisme libéral ”. Certes, il est vrai que les divers mouvements Nationalistes qu’a connu et connaît encore l’histoire humaine pourraient être répartis sur un continuum allant du fascisme à la démocratie libérale en passant par la dictature paternaliste et le conservatisme autoritaire. Il est également évident que, si un authentique Libéral (au sens philosophico-idéologique) devait juger lesquels, parmi tous ces Nationalismes, lui paraissent les moins inacceptables, il préférerait naturellement ceux qui auraient le mieux respecté les principes de la légalité démocratique plutôt que ceux qui auraient eu recours au terrorisme, à la tyrannie ou à l’extermination ethnique.
Mais ce que personne ne dit trop haut, c’est qu’aucun Nationalisme ne saurait être intrinsèquement libéral par logique interne ni par principe : il n’adhère jamais au libéralisme politique que par pragmatisme, par commodité, par culture, par tradition, par calcul, par opportunisme ou par quelque autre raison semblable, c’est-à-dire circonstancielle. Le Nationalisme enseigne en effet explicitement que les moyens politiques les meilleurs et les plus acceptables doivent simplement être les mieux adaptés à l’affirmation, à l’épanouissement, à la prospérité et à la croissance de chaque peuple-nation concerné, et ce compte tenu de sa conjoncture historique particulière. Si les Nationalistes de tel pays et de telle époque choisissent le libéralisme, on ne peut absolument rien en déduire, ni sur la solidité ou la durabilité du lien ainsi établi entre Nationalisme et libéralisme, ni sur les choix que d’autres Nationalistes effectueront (ou non) ailleurs et à une autre époque.
Car si un “ nationalisme libéral ” est effectivement possible et viable, ce qui ne fait aucun doute, on doit ne pas oublier qu’il demeure par nature sans garantie, étant donné que tout Nationalisme fait, explicitement et par principe, passer “ l’intérêt supérieur ” (défini par lui, il va sans dire !) du peuple-nation qu’il prétend défendre avant tout choix des moyens politiques et des formes institutionnelles qu’il jugerait y être ou non les mieux adaptées[5]. Selon toute vraisemblance, on peut d’ailleurs soupçonner que c’est principalement dans le but de mieux s’assurer un certain capital de respectabilité libérale et démocratique, que les idéologues et les philosophes de notre actuel “ souverainisme ” québécois n’ont rien de plus pressé que de se dissocier de toute référence explicite au Nationalisme...
Voilà pourquoi, comme je l’ai dit en commençant, même si tout le monde au Québec est plus ou moins nationaliste, presque personne ne s’avoue plus ouvertement Nationaliste, mis à part quelques méchants extrémistes aussi peu présentables que les rares militants du Mouvement de Libération Nationale du Québec (MLNQ) de Raymond Villeneuve ou les idéologues primaires et dogmatiques de L’Action nationale. Selon la nouvelle vulgate philosophique destinée à entretenir la bonne conscience libérale et moderne dont semblent si fiers nos péquistes et bloquistes, le Nationalisme ne serait plus qu’une position fanatique, radicale, laide et démodée. Une chance que ce sont des penseurs se proclamant “ souverainistes ” qui sont là pour nous en convaincre !
Naturellement, tout cela n’a aucunement empêché le Premier ministre Lucien Bouchard de proclamer, lors de la période de questions du 8 juin 1999 à l’Assemblée nationale, que la seule vraie question, à laquelle ne répondait pas son adversaire libéral Jean Charest, était tout simplement : “ Oui ou non, le Québec est-il un peuple, une nation ? ”, ajoutant que si la réponse devait être positive (comprenez : comme il est évident pour tout esprit honnête, réaliste et courageux), alors la “ souveraineté ” était inéluctable et la nécessité d’un troisième référendum indiscutable. Cela laisse bien peu de doute sur le raisonnement implicite qui paraît logiquement sous-jacent à un tel point de vue, syllogisme dont la première prémisse est typiquement et spécifiquement Nationaliste :
“ A) tout peuple-nation (suffisamment important et vigoureux) a vocation et droit à son indépendance,
or
B) le Québec est un tel peuple-nation (de surcroît injustement traité, et depuis longtemps, par Ottawa et les autres provinces)
donc
C) le Québec doit devenir tôt ou tard un pays souverain (au sens du droit international, c’est-à-dire séparé du Canada) ”.
En fait, le plus merveilleux dans cette affaire ce n’est pas que nos nouveaux clercs “ souverainistes-mais-non-Nationalistes ” nous prennent ainsi pour des imbéciles. Non. L’extraordinaire, c’est à quel point ça marche. On peut leur reprocher leur jésuitisme, leur naïveté, leur inconsistance théorico-intellectuelle, leur lâcheté politique et leur incurable autosatisfaction. Mais on ne peut tout de même pas les rendre responsables de notre complicité, de notre aveuglement et de notre complaisance collective, qu’ils cultivent et dont ils profitent sans doute, mais qu’ils n’ont pu créer à eux seuls.
NOTES