Jamais le message écologiste n’a été aussi omniprésent sur la place publique. C’est le sujet par excellence, dont on entend parler tous les jours, inlassablement. Aucun autre sujet ne retient autant l’attention des médias.
Pourtant, jamais la pollution n’aura été aussi importante qu’aujourd’hui. Les études montrent que les émissions de gaz à effet de serre au Canada et aux États-Unis, loin de chuter, augmentent en nombre absolu année après année. Les véhicules polluants se vendent en nombre record, et les récentes baisses des ventes doivent de toute évidence être attribuées davantage à la hausse du prix du pétrole qu’à une prise de conscience écologiste.
Comment expliquer que le message écologiste ne passe pas aussi bien qu’on le souhaiterait ? À cette question, le premier réflexe des écologistes eux-mêmes est de blâmer le capitalisme, la société de consommation, les politiciens, la grande entreprise et ainsi de suite. Sans être fausses, ces accusations esquivent pourtant l’essentiel du problème. Car ce sont précisément les individus de ces sociétés qu’il s’agit d’amener à adopter des activités compatibles avec la pérennité de la vie sur terre. Si l’on voulait être polémique, l’on pourrait écrire que bien qu’il existe toutes sortes d’écologistes, le message véhiculé par grand nombre d’entre eux ressemble très souvent à un ascétisme de bien-pensant, difficilement applicable à l’ensemble de la population. Est-ce réaliste, ou même possible, de demander aux individus de déterminer toujours et en tout temps par eux-mêmes la provenance des milliers de produits qu’ils achètent, dans quelles conditions ont été fabriqués ces produits, et ainsi de suite ?
Le problème avec un certain écologisme n’est-il pas précisément son angélisme, sa propension à présenter les enjeux écologistes en termes moraux, avec d’un côté ceux qui font le bien, et de l’autre ceux qui font le mal ? Ou peut-être ne s’agit-il là d’une exagération, d’un simple problème d’image ? La question qu’il faut aujourd’hui se poser, et que pose la revue Argument est la suivante : Et si c’était le message écologiste lui-même qui faisait fausse route ?
Tout en reconnaissant la justesse du diagnostic quant à l’état de la planète formulé par les écologistes, Mathieu Bock-Côté lance le débat en se demandant si l’écologisme tel qu’il se déploie aujourd’hui ne contient pas une dose inquiétante d’antihumanisme. Adoptant une perspective inverse, Jean Zin, écologiste français, se demande quant à lui si l’écologisme n’a pas trop misé sur les solutions individuelles aux problèmes environnementaux, problèmes forcément collectifs. En un mot, se demande Zin, les écologistes ne se sont-ils pas trop compromis avec la société capitaliste marchande, en mettant au rancart l’idéal révolutionnaire d’un changement global ? Enfin, Laure Waridel, écologiste québécoise bien connue, a gentiment accepté de répondre aux questions soulevées par les textes des deux autres contributeurs.
François Charbonneau