C’était écrit dans le ciel qu’une telle sauvagerie allait s’abattre sur Charlie Hebdo. Écrit dans le ciel, parce que même si on ne pouvait en prévoir l’ampleur, on savait ce journal visé par la fureur de ceux qui n’entendent pas à rire. Écrit dans le ciel aussi parce que cette inhumanité s’explique par l’inébranlable foi de deux ou trois hommes convaincus que c’était la volonté de Dieu que lui soit livré en offrande le sang de ces artisans.
Dans les semaines qui viennent, on retournera la question dans tous les sens. On parlera de la pauvreté des banlieues françaises, des problèmes d’intégration, de l’islamophobie, de l’islamisme, du contexte international. On essayera de trouver une explication rationnelle ou alors on mettra le tout sur le compte de la folie. À la vérité pourtant, il y a une seule explication qui vaille : ces meurtriers sont des cons absolus.
Avouons qu’il faut déjà être un peu con pour penser que Dieu a créé les hommes et non que les hommes ont créé Dieu. Il faut l’être un peu plus pour penser qu’il l’a fait il y a à peine quelques milliers d’années et qu’il nous a révélé sa volonté par l’intermédiaire d’un livre ambigu. Il faut être encore plus con pour penser que cette chose que l’on appelle « Dieu » nous indique la manière quotidienne de nous comporter, de nous vêtir, de nous alimenter ou de juger le comportement sexuel de son voisin. Il faut être légèrement sénile pour se convaincre que Dieu nous parle personnellement ou pour croire qu’il intervient pour nous faire gagner une partie de football. Il faut être vraiment débile pour penser que si Dieu existe, il intervient directement dans nos vies, lui qui, s’il existe, n’a jamais empêché la moindre famine, la moindre guerre, le moindre massacre.
Mais être un peu con n’est pas grave. Nous le sommes tous un peu, croyants comme athées. Vous comme moi.
Là où ça devient dangereux, là où l’on atteint les plus hauts sommets du crétinisme, c’est quand on se convainc personnellement que l’on fait l’œuvre de Dieu à coup de balles de Kalachnikov dans la chair de son prochain.
Certes, la connerie humaine n’est pas que religieuse. On tue aujourd’hui au nom de cette invention humaine que l’on nomme « Allah », comme on a tué par le passé au nom de Yahvé, de Jésus, de la race, de la classe, de la nation, voire de la liberté. Il en va ainsi de la finitude humaine. Cette connerie est en nous, indépassable. L’humanité a une propension extraordinaire à se convaincre de la véracité des histoires qu’elle invente pourtant elle-même et à aller jusqu’à tuer au nom de ces inventions. C’est une vaste connerie. La nôtre.
Face à la connerie humaine, une seule réponse possible, celle qu’adoptait avec courage Charlie Hebdo : la nommer.
FRANÇOIS CHARBONNEAU