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La LGB-Alliance et les trans-activistes: qui veut effacer qui?

Un texte de Annie-Ève Collin
Thèmes : Censure, Sexualité, Université
Numéro : Argument 2023 - Exclusivité web 2023

Le 10 janvier 2023, il devait y avoir une conférence à la faculté de droit de l’Université McGill, conférence donnée par le professeur de droit britannique Robert Wintemute, un membre influent de la LGB Alliance. Le sujet de sa conférence : le conflit de droits entre les personnes trans-identifiées (celles qui revendiquent une « identité de genre » qui ne correspond pas à leur sexe) et les femmes.

Après que des militants du genre (c’est-à-dire des militants qui endossent la « théorie » du genre et cherchent notamment à imposer le remplacement de la notion de sexe par la notion d’identité de genre, aussi bien dans les institutions que dans le langage courant et dans la vie quotidienne de tout le monde) aient demandé sans succès l’annulation de la conférence, quelques centaines de personnes se sont rassemblées pour perturber l’événement au point de l’empêcher d’avoir lieu, et ont au passage agressé des gens qui étaient sur place avec l’intention d’assister à la conférence, commis des actes de vandalisme, lancé de la farine sur le conférencier et débranché son projecteur.

L’objet de ce texte sera de présenter la LGB Alliance puis de commenter l’attitude de ces militants qui ont brimé non seulement la liberté de M. Wintemute, mais aussi celle des gens qui souhaitaient l’entendre.

 

Sexe et identité de genre

Il importe d’abord de définir les concepts de sexe et d’identité de genre, bien qu’il n’existe pas de définition digne de ce nom pour ce second concept pour le moins confus. De nombreuses espèces, dont l’espèce humaine, sont qualifiées de sexuées, c’est-à-dire que chaque organisme ne produit qu’un des deux types de gamètes, mâle ou femelle[1], l’espèce se divise donc en organismes mâles et en organismes femelles. L’anatomie des organismes appartenant à des espèces sexuées se développe généralement de façon différente selon le rôle joué dans la reproduction, on appelle cela le dimorphisme sexuel. Dans l’espèce humaine, le dimorphisme sexuel touche le corps entier[2] et cela fait en sorte que le sexe des gens a de l’importance dans de nombreuses interactions (il a de l’importance dans le contexte des relations sexuelles ou amoureuses, dans le sport, en milieu médical, etc.). On appelle les mâles humains des hommes et les femelles humaines des femmes. Il est à noter que ces définitions des mots homme et femme sont millénaires et qu’il n’y a jamais eu de confusion à propos de ces mots ni de remise en question de leur sens avant qu’on invente la notion « d’identité de genre », ce qui date tout au plus de la deuxième moitié du 20e siècle.

L’identité de genre quant à elle serait un ressenti, celui d’être une femme, un homme, ou encore d’être non binaire (c’est-à-dire ni exclusivement homme ni exclusivement femme, mais les deux à la fois, ou alors parfois l’un parfois l’autre, ou encore entre les deux, ou carrément autre chose). Ceux qui endossent cette notion considèrent qu’être une femme ou un homme n’est pas une question de sexe, mais d’identité de genre, ce qui mène à des définitions circulaires. Par exemple, le mot femme se définirait à peu près comme suit : quelqu’un qui a le sentiment d’être une femme, ou encore quelqu’un qui s’identifie comme une femme. Il est pourtant élémentaire que la définition d’un mot ne doit pas contenir le mot que l’on cherche à définir. Si on ignore ce qu’est une femme, on ne sait pas non plus ce que veut dire « se sentir femme » ni ce que veut dire « s’identifier comme une femme ».

Incidemment, même si on revient à la définition normale du mot femme, c’est-à-dire femelle adulte humaine, l’expression « se sentir femme » n’a guère de sens non plus : être une femme relève d’une réalité anatomique, pas d’un ressenti, on ne « sent » pas qu’on est une femelle humaine. L’expression « s’identifier comme une femme » est également problématique si on veut prétendre que quiconque s’identifie comme une femme en est une : s’identifier comme un humain de sexe féminin est différent d’en être un.

Quoi qu’il en soit, les militants du genre considèrent que quelqu’un est une femme ou un homme (ou autre) indépendamment de sa réalité biologique, et les documents censés « informer » sur la notion d’identité de genre, y compris celui qu’on retrouve sur le site du gouvernement du Québec, présentent le sexe comme quelque chose d’assigné à la naissance (alors que la réalité est que le sexe est constaté, à la naissance ou même avant la naissance grâce aux échographies). Dans ces documents, les personnes qualifiées de transgenres sont présentées comme des personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance (certains documents parlent plutôt du genre qui leur a été assigné à la naissance : d’une façon comme de l’autre, c’est fallacieux, car on n’assigne rien quand on annonce qu’un bébé est un garçon ou qu’il est une fille, on constate tout simplement). Les personnes qui ne s’identifient ni comme trans ni comme non binaires sont qualifiées de cisgenre. Une personne cisgenre se définirait donc comme une personne dont l’identité de genre est conforme au sexe/genre qu’on lui a assigné à la naissance.

 

La LGB Alliance

La LGB Alliance est une organisation qui s’est dissociée du mouvement et des organismes associés au sigle LGBTQ+, un sigle qui s’allonge continuellement. Elle se présente sur son site Internet  comme ayant pour mission de faire progresser les droits des personnes homosexuelles et bisexuelles. Son nom l’indique d’ailleurs : L pour lesbian (lesbienne), G pour gay (gai) et B pour bisexual (bisexuel). Pour le formuler autrement, la LGB Alliance a pour mission de défendre les droits des personnes attirées par des personnes de même sexe qu’elles-mêmes. Nous verrons maintenant pourquoi cet organisme se dissocie des autres lettres du sigle, notamment le T (pour trans, donc des personnes qui revendiquent une identité de genre non conforme à leur sexe).

Bien que fondée au Royaume-Unis, la LGB Alliance a des « succursales » dans d’autres pays, y compris au Canada. Voici la première chose qu’on peut lire en consultant le site Internet de la LGB Alliance canadienne : « Les droits et la dignité des personnes attirées par le même sexe sont menacés d’une manière qui n’a pas été vue au Canada depuis des décennies. Notre mission est de protéger les droits des personnes attirées par le même sexe grâce à un dialogue respectueux et au partage d’informations fondées sur la science et les faits. » Cela rejoint tout à fait l’orientation annoncée sur le site de l’Alliance-mère au Royaume-Uni : les valeurs de la LGB Alliance sont la recherche de la vérité au moyen de l’approche scientifique, la liberté d’expression et la discussion dans le respect des humains, les droits humains, avec un focus sur ceux des personnes homosexuelles et bisexuelles, tout en reconnaissant la légitimité que d’autres groupes se concentrent plutôt sur d’autres catégories d’êtres humains.

Sur le site de la LGB Alliance du Royaume-Uni, on retrouve justement une critique du vocabulaire utilisé par les groupes LGBTQ+, une critique qui rejoint celle que nous avons faite dans la section précédente. Cette organisation semble rejeter, comme nous, le concept de « personne cisgenre ». La LGB Alliance rejette explicitement la notion de genre (gender en anglais) en raison de la confusion qui règne sur le sens de ce mot ; elle rejette explicitement la notion d’identité de genre qu’elle qualifie de sexiste[3].

La LGB Alliance s’oppose à la redéfinition des mots homosexuel, bisexuel, gai et lesbienne de façon à prétendre que l’orientation sexuelle est en fonction de l’identité de genre plutôt qu’en fonction du sexe. 

La LGB Alliance a été créée, entre autres, parce que les associations LGBTQ+ mettent maintenant de l’avant la notion d’identité de genre (en plus d’endosser l’idée fallacieuse selon lequel le sexe serait assigné à la naissance). Or les homosexuels et les bisexuels ont besoin de la notion de sexe pour parler de ce qui les caractérise et pour faire valoir leurs droits. Les fondateurs de la LGB Alliance ont donc jugé que des groupes qui placent la notion d’identité de genre au centre de tous leurs combats défendent certes les personnes trans, mais ne sont pas adéquats pour défendre les droits des homosexuels et des bisexuels, surtout s’ils prétendent que le sexe est sans importance, voire qu’il n’existe pas objectivement. Les fondateurs de la LGB Alliance ont voulu créer un groupe qui mettrait l’accent sur ceux qui sont attirés par des personnes de même sexe.

La LGB Alliance est présentée par certains – notamment par ceux qui ont manifesté contre la conférence de Wintemute à McGill – comme une association anti-trans. Si on regarde son site Internet, on y retrouve le point de vue contraire. Voici un extrait que nous traduisons librement : « Nous soutenons entièrement les personne trans dans leur lutte pour la dignité, pour le respect et pour une vie exempte de bigoterie et de peur. Nous croyons que les problèmes et les priorités des gens attirés par des personnes de même sexe (homosexuels et bisexuels) sont différents de ceux des personnes transgenres. Par conséquent, étant donné qu’il existe un bon nombre d’organisations qui se focalisent sur les personnes trans et sur leurs problèmes, notre focus est simplement orienté vers les lesbiennes, les gais et les bisexuels. »

Ceci dit, la LGB Alliance s’inquiète que certains jeunes soient identifiés comme trans et soient poussés à faire ce qu’on appelle une transition[4] alors qu’ils ne sont pas trans, mais plutôt homosexuels. Ils craignent notamment que pousser des jeunes (ou même des adultes) vers la transition puisse être le résultat de l’homophobie : on prétend transformer des hommes gais en femmes hétérosexuelles et des lesbiennes en hommes hétérosexuels au moyen de la transition.

Il est à noter que le processus de transition n’est pas sans risque. Il est mentionné sur le site de la LGB Alliance qu’on ne connaît pas encore bien les effets à long terme des bloqueurs de puberté (ceci dit, il semble déjà établi qu’ils nuisent au développement des os, ce qui est quand même légèrement plus grave que donner quelques boutons d’acné...) Par ailleurs, les hormones de synthèse ont également des impacts sur la santé, et les chirurgies aussi. Compte tenu de cela, s’inquiéter que l’on présente la transition comme solution à des gens, y compris à des enfants et à des adolescents, ne devrait pas être interprété comme de la haine envers les personnes trans-identifiées : il y a des raisons valables d’avoir des réserves face à un tel processus.

Une autre préoccupation de la LGB Alliance est qu’à l’intérieur même des groupes censés défendre les droits des homosexuels (c’est-à-dire les groupes LGBTQ+), on cherche maintenant à leur imposer d’accepter des relations avec des personnes du sexe opposé. Si on admet en effet qu’une personne de sexe masculin qui revendique une identité de genre féminine est une femme, alors d’une part, on doit conclure qu’une lesbienne peut être attirée par une personne de sexe masculin, et d’autre part, on doit aussi conclure qu’il peut y avoir des lesbiennes de sexe masculin. Cela a pour conséquence, non seulement de mettre une pression indue sur les lesbiennes pour qu’elles acceptent d’envisager de sortir avec des hommes (celles qui expriment leur refus se font traiter de « transphobes » parce qu’elles refusent de reconnaître que quiconque s’identifie comme une femme en est une, indépendamment de sa réalité biologique), mais aussi de les effacer en détournant de son sens le mot qui devait servir à les désigner. Le même problème existe évidemment pour les hommes homosexuels. On ne peut que comprendre que cela ait amené des homosexuels à vouloir se dissocier des groupes LGBTQ+ et à créer une association comme la LGB Alliance qui les représenterait vraiment. D’ailleurs, chercher à imposer aux homosexuels d’avoir des relations sexuelles ou amoureuses avec de personnes de sexe opposé, est-ce que ça ne ressemble pas à de l’homophobie? N’est-ce pas même tristement semblable à ce qu’on appelle une « thérapie de conversion »?

Bref, il apparaît, quand on prend la peine de s’informer sur la LGB Alliance en visitant ses sites Internet et en prenant connaissance directement de son discours (et non en écoutant ses détracteurs ni en consultant la page Wikipédia à son sujet) qu’il ne s’agit pas d’un groupe haineux, ni d’extrême-droite, mais d’un groupe qui a à cœur les droits humains. Ce groupe se concentre sur les droits des personnes homosexuelles et bisexuelles, mais reconnaît la légitimité d’autres groupes qui mettent l’accent sur des minorités différentes. La LGB Alliance ne cherche pas non plus à diaboliser, encore moins à censurer ou à faire disparaître les groupes qui se concentrent sur les droits des personnes trans. Inversement, ceux qui militent pour les droits des personnes trans sont nombreux à diaboliser la LGB Alliance et à prétendre que le simple fait de parler de ce qui caractérise les LGB et de défendre leurs intérêts spécifiques et leurs droits est de la violence transphobe.

 

Robert Wintemute

Wintemute lui-même est un membre influent de la LGB Alliance. Bien que les manifestants qui ont empêché sa conférence d’avoir lieu le présentent comme un nazi ou encore l’accusent d’être associé à l’extrême-droite, c’est bien loin de dresser un portrait fidèle du personnage. Wintemute a au contraire une longue feuille de route dans la défense des droits humains. Il est solidaire de la cause des personnes trans, il était d’ailleurs signataire des principes de Jogjakarta, une série de principes sur l’application du droit international des droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Il est toujours autant favorable aux droits de tous les humains, seulement, il a révisé ses positions par rapport à certaines dispositions des principes de Jogjakarta après qu’on lui ait fait réaliser qu’elles érodaient certains droits des femmes. Entre autres, le détournement de sens du mot femme pour en faire un terme qui désigne une identité de genre plutôt qu’un sexe a pour effet d’effacer les femmes – de la même façon que la redéfinition des termes liés à l’orientation sexuelle a pour effet d’effacer les lesbiennes et les gais – et les femmes perdent le droit à des espaces intimes ou sécuritaires qui leur soient réservés puisque, si on définit le mot femme en fonction de l’identité de genre, on doit admettre dans les espaces pour femmes tout homme qui revendique une identité de genre féminine. Cela pose problème pour des espaces comme les vestiaires ou les refuges pour femmes victimes de violence, et ça pose aussi problème dans le sport, un contexte où il est évident que la séparation des hommes et des femmes s’est faite en raison des différences objectives, anatomiques entre les sexes, et non sur la base de l’auto-identification des athlètes.

Le message central de Wintemute lorsqu’il s’est présenté à McGill pour sa conférence n’était pas que les personnes trans devraient avoir moins de droits, mais que les femmes ont des droits elles aussi, et que les droits fondamentaux de ces deux groupes d’humains doivent être équilibrés. Lors d’une entrevue avec Benoît Dutrizac, Wintemute a très bien exposé cela : les droits fondamentaux entrent parfois en conflit, et alors il faut trouver des façons d’accorder une considération égale à tous les humains affectés par chaque situation. Percevoir un professeur de droit qui parle d’équilibrer des droits fondamentaux comme un individu haineux proche de l’extrême-droite, c’est pour le moins tordre la réalité. Nous allons d’ailleurs maintenant parler des lunettes déformantes qui biaisent la vision de la réalité des militants qui l’ont empêché de donner sa conférence.

 

Des activistes qui n’ont pas le sens de la mesure

Les militants LGBTQ+ qui ont organisé la manifestation semblent avoir un certain goût pour l’exagération : un pamphlet qu’ils ont distribué avant et pendant leur manifestation dit carrément que chaque minute de parole accordée à quelqu’un comme Robert Wintemute contribue à la mort prématurée de personnes trans. On voit mal comment les paroles de Wintemute pourraient causer la mort de qui que ce soit – à moins qu’on insinue que cela tuerait les personnes trans de prendre en considération les besoins des femmes et leurs droits ? On y prétend aussi que quand la LGB Alliance aura terminé de « débattre des droits des trans » (sic), le droit à l’avortement sera le prochain sur la liste... Là non plus, le lien n’est pas très clair, c’est le moins qu’on puisse dire : en quoi est-ce que discuter de la manière dont on peut équilibrer les droits des femmes avec ceux des personnes trans-identifiées (ce qui n’est pas la même chose que débattre des droits des trans) menace le droit des femmes à l’avortement?

Ce pamphlet dit également ceci (je traduis librement) : « Wintemute a lui-même activement mis de l’avant l’idée transphobe selon laquelle pour protéger les espaces pour femmes réservés à un seul sexe, il faut empêcher les transfemmes[5] d’y entrer. » C’est pourtant simplement logique : les personnes désignées comme des « transfemmes » ne sont effectivement pas de sexe féminin, un espace accessible aux femmes et aux « transfemmes » n’est donc pas un espace réservé à un seul sexe. Cet extrait du pamphlet révèle de façon éclatante que, bien que les militants du genre martèlent qu’il faut faire la différence entre sexe et genre, ils jouent eux-mêmes sur la confusion entre les deux.

À ce sujet, il vaut la peine de rappeler la réaction des militants du genre et de plusieurs trans-activistes à la première mouture du projet de loi 2 (sur la réforme du droit de la famille) à l’automne 2021. En ce qui concerne les dispositions qui portaient sur l’identité de genre, il était prévu que la majorité des personnes trans-identifiées devraient garder leur mention de sexe conforme à leur sexe réel sur les documents officiels de l’État comme l’acte de naissance (seules celles qui auraient eu une opération pour modifier leurs parties génitales pourraient changer leur mention de sexe), et qu’on ajouterait la possibilité de mentionner l’identité de genre en plus du sexe. Puisque les militants du genre martèlent qu’il faut faire la différence entre sexe et genre, on aurait pu s’attendre à ce qu’ils soient d’accord avec cette solution. Pourtant, ce sont eux qui s’y sont opposés, comme on peut le constater notamment avec ce texte paru dans le Elle Québec ainsi que ce texte paru dans le Journal de Montréal.

Il importe de rappeler que Céleste Trianon, la personne qui organisait la manifestation contre la conférence de Wintemute, s’opposait également à l’époque à ce qu’on mentionne le sexe et l’identité de genre des personnes. On l’apprend par ce billet de Radio-Canada dans lequel on cite ces paroles de Trianon : « Céleste Trianon, activiste au Centre de lutte contre l'oppression des genres, ne mâche pas ses mots : La communauté trans considère cette loi comme la loi la plus transphobe passée dans l'histoire du Québec et même du Canada, soutient-elle. On ne veut pas qu'il y ait d’exigences pour une chirurgie nulle part dans le Code civil. » Cette façon de tordre la vérité est commune à des nombreux militants du genre : contrairement à ce qu’ils prétendent, il n’a jamais été question d’imposer des chirurgies à qui que ce soit, mais de ne pas permettre de changer sa mention de sexe sans être passé par la chirurgie (de toute façon, changer sa mention de sexe ne devrait être permis à personne puisqu’un humain ne peut pas changer de sexe : sur des documents officiels, on devrait donner des informations justes).

 

Des militants qui veulent effacer la notion de sexe

On a affaire à des gens qui veulent effacer la notion de sexe pour la remplacer par la notion d’identité de genre. Ça peut ne pas être évident à première vue étant donné qu’il n’est pas question en apparence d’éliminer la mention de sexe, seulement comme je le faisais remarquer dans un précédent texte paru dans Argument, en permettant de changer la mention de sexe sur les documents officiels au gré de l’identité de genre, on est purement et simplement en train d’effacer le sexe comme identifiant, car sans la garantie que cette mention est conforme au sexe réel, une telle mention n’est plus vraiment une mention du sexe.

Outre leur volonté de remplacer le sexe par l’identité de genre sur les documents officiels, les militants du genre veulent également que l’identité de genre devienne la référence constante, au détriment du sexe, dans le langage courant, notamment en détournant le sens de mots comme femme, homme, gai, lesbienne, homosexuel, etc. et que chacun, dans ses interactions, agisse avec autrui en fonction de son identité de genre plutôt qu’en fonction de son sexe, même dans des interactions dans lesquelles le sexe compte (par exemple, les femmes qui ne sont pas à l’aise de côtoyer des « transfemmes » dans des vestiaires se font traiter de transphobes : il faudrait qu’elles voient ces personnes comme des femmes parce qu’elles s’identifient comme telles, même si ce sont biologiquement, objectivement des hommes).

 

L’inversion accusatoire

Les militants du genre prétendent que les féministes qui insistent sur l’importance de la notion de sexe pour les droits des femmes, ainsi que les homosexuels et bisexuels qui insistent sur l’importance de la notion de sexe pour les droits des LGB « effacent l’existence » ou encore « nient l’existence » des personnes trans. Mais ce sont plutôt les militants du genre qui cherchent à effacer l’existence des femmes et des LGB : ce sont eux qui exigent qu’on fasse comme si le sexe n’existait pas, qui exigent qu’on redéfinisse plusieurs mots de façon à mettre de l’avant le genre tout en ignorant le sexe. Ils accusent de violence les femmes qui rappellent que leur sexe existe, que leurs caractéristiques anatomiques sont bien réelles, et font la même chose pour les LGB qui rappellent qu’ils se caractérisent par l’attirance pour des personnes de même sexe, et non pour des personnes de même « genre ». Ce sont les militants du genre qui exigent l’effacement des femmes et des homosexuels, en prétendant que le seul fait pour ces deux classes d’humains de parler de ce qui les caractérise est de la violence et doit même être interdit au même titre que des propos défendant le nazisme.

Aussi longtemps que les militants pour les droits des trans vont présenter le fait que d’autres humains défendent leurs droits, ou même mentionnent simplement leur existence, comme une attaque envers les trans, ils continueront de risquer de susciter de l’hostilité pour leur cause.

 

Conclusion : pourquoi le recours à l’intimidation et à la censure?

Céleste Trianon martèle qu’acquiescer aux revendications des personnes trans est toujours à l’avantage des femmes et des LGB, et qu’inversement s’opposer à certaines revendications des trans ne peut que menacer les droits des femmes et des LGB. Ses alliés disent la même chose et prétendent qu’un groupe comme la LGB Alliance et une personne comme Wintemute ont une attitude qui tend à diviser des personnes marginalisées qui devraient plutôt s’allier contre un ennemi commun. Cependant, Trianon et ses alliés ne précisent jamais de quelle manière, concrètement, une réponse positive aux revendications des trans est à l’avantage des femmes et des LGB – ils ne spécifient jamais, par exemple, de quelle manière ça avantage concrètement les femmes et les LGB de remplacer la notion de sexe par la notion d’identité de genre.

Wintemute et la LGB Alliance, de leur côté, sont en mesure de spécifier comment remplacer le sexe par l’identité de genre nuit concrètement aux femmes et aux LGB, et leurs arguments ont été résumés dans le présent texte. Mais si Trianon et ses alliés ont recours à l’intimidation, à la diabolisation et à la censure, c’est peut-être tout simplement parce qu’ils seraient bien incapables de prouver avec des arguments que Wintemute et la LGB Alliance ont tort.

 

Image: Possibleuseful, CC0, via Wikimedia Commons

[1] Le sexe est une réalité biologique : la reproduction se fait par la fusion d’un gamète mâle (petit gamète mobile) et d’un gamète femelle (gros gamète nourricier).

[2] Les militants du genre aiment bien signaler l’existence d’humains stériles et de femmes ménopausées de façon à nier l’importance du sexe ou encore la pertinence de distinguer les humains selon le sexe, mais les humains stériles ont quand même une anatomie différente selon le rôle qu’ils auraient potentiellement joué dans la reproduction s’ils n’avaient pas été stériles, les femmes ménopausées continuent d’avoir une anatomie différente de celle d’un homme, et ces différences anatomiques continuent d’avoir de l’importance dans de nombreux contextes, dans de nombreuses interactions. De plus, l’existence de femmes stériles n’implique en rien qu’un humain de sexe mâle peut être une femme : ce n’est pas parce que certaines poules ne pondent pas d’œufs qu’un coq est une poule.

[3] En effet, non seulement les expressions « se sentir femme » et « se sentir homme » ne semblent pas vouloir dire grand-chose, puisqu’être une femme ou un homme est une question de réalité anatomique et non de sentiment, mais de plus, il est à noter que le genre (gender) est aussi parfois défini, non pas comme un ressenti, mais comme un ensemble de normes sociales : les attentes de la société à l’égard des individus selon qu’ils sont des hommes ou des femmes (les attentes sont différentes quant à la façon de s’habiller, aux métiers, aux rôles joués dans la famille, aux loisirs, etc.)

[4] Une transition consiste à changer de prénom, à se faire désigner comme une personne du sexe opposé, possiblement à prendre des bloqueurs de puberté ou des hormones de synthèse pour modifier son apparence de façon à ressembler à quelqu’un de l’autre sexe et en diverses chirurgies également destinées à donner une apparence proche de celle de quelqu’un de l’autre sexe.

[5] Sur le pamphlet, il est écrit « transwomen », je traduis par « transfemmes » et ces mots sont utilisés par ceux qui endossent la notion d’identité de genre pour désigner une personne de sexe masculin qui revendique une identité de genre féminine.


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