L’idée de ce dossier m’est venue à la suite de la lecture du livre de David Hackett Fisher, Le rêve de Champlain ( Boréal, 2011 ). Ce livre, véritable bijou dans le genre — et qui est d’ailleurs merveilleusement servi par une traduction magistrale de Daniel Poliquin —, a eu sur moi l’effet d’une bombe. Sans doute par préjugé malavisé, peut-être aussi parce que la manière dont cette histoire m’avait été contée avait rendu le sujet quelque peu rébarbatif, l’histoire de la Nouvelle-France m’apparaissait plutôt fade. Ce sentiment de jeunesse avait été récemment renforcé lorsque j’aidais dans les dernières années mes filles à faire leurs devoirs d’histoire. Même si je me gardais bien de leur en faire part, je les plaignais d’avoir à apprendre par cœur que les Algonquins sont des chasseurs-cueilleurs, que leurs vêtements étaient conçus à partir de peaux et de fourrures, que les ursulines s’occupaient de l’instruction des jeunes filles alors que les hospitalières se chargeaient de mettre en place des hôpitaux, et ainsi de suite. Peut-être sans trop y réfléchir, j’en avais conclu — à tort bien entendu — que cette époque n’avait pas été très exaltante ou en tout cas il me semblait plus judicieux de trouver ailleurs matière à me surprendre.

Dans l’espoir de briser une fois pour toutes ce mythe d’une Nouvelle-France ennuyeuse, nous avons demandé à des colla- borateurs bien au fait de cette période historique de nous faire découvrir des personnages, des lieux, des événements dignes d’intérêt et propices à surprendre nos lecteurs. Une mission, toute simple, leur a été confiée, celle de faire émerger de cette période historique des moments et des figures remarquables dont il importerait aujourd’hui de rappeler le souvenir. Nos collaborateurs ont répondu avec enthousiasme à cette demande, eux qui n’ont pas attendu ce dossier pour savoir que l’histoire de la Nouvelle-France est passionnante ! Les textes qu’on s’apprête à lire portent sur des sujets aussi variés que l’affaire Jumonville, la présence protestante en Nouvelle-France, la manière dont on cartographiait cette Amérique, mais aussi sur des personnages plus grands que nature comme Pierre Boucher ou d’Iberville. S’ajoutent à ce dossier deux textes, le premier tout en nuances d’Éric Bédard qui, reconnaissant sans ambages l’apport des historiographies précédentes, nous montre pourtant en quoi le Québec d’aujourd’hui est prêt à se réapproprier cette période historique, puis celui de Marie-Andrée Lamontagne qui s’emploie à nous faire découvrir en conclusion de ce dossier la féconde postérité littéraire de la Nouvelle-France.

Bien entendu, le lecteur comprendra que ce dossier n’a d’autres ambitions que de faire découvrir des pans surprenants de l’histoire de la Nouvelle-France à un lectorat curieux. Il ne faudrait pas en conclure que de mettre l’accent sur les aspects les plus surprenants de cette histoire constitue un quelconque appel à en oublier la part d’ombre. On verra que les auteurs de ces textes ne sont nullement hagiographes : ils sont surtout des experts ou des passionnés qui ont voulu partager ces grandes comme ces petites choses qui ont fait l’histoire de cette époque historique peut-être trop mal connue.

François Charbonneau 

TABLE DES MATIÈRES DU NUMÉRO 16-2