Il fut un temps où les philosophes travaillaient à l’abri des médias. Mais dans leur salle de classe, au cégep ou à l’université, ils prodiguaient un enseignement appelé à marquer leurs étudiants. Jean Roy fut certainement l’un d’entre eux. Professeur au département de philosophie de l’Université de Montréal de 1969 à 2003. Ses étudiants furent marqués par son érudition exceptionnelle et son immense générosité intellectuelle. Il suffisait qu’on lui pose une question en cours ou à la pause pour qu’à la leçon suivante, il arrive avec une série d’articles photocopiés pour nous permettre d’approfondir notre intuition et de pousser plus loin notre toute jeune enquête philosophique. Le domaine de Jean Roy, c’est la philosophie politique et comme on le verra, il en revient toujours à de grands textes pour éclairer les différentes facettes de notre époque. Longtemps, c’est la question du totalitarisme qui l’a occupé. C’était naturel. Comment penser le vingtième siècle sans chercher à comprendre cette dégénérescence du politique? Pour emprunter la formule d’Aron, quiconque prétendait penser l’histoire se faisant devait se tourner vers ce phénomène historique inédit. Il a d’ailleurs consacré un livre formidable à l’utopisme : Le souffle de l’espérance (Bellarmin, 2000). Que pouvons-nous espérer du politique? À partir des années 1990, il s’est tourné vers la question nationale québécoise, en particulier, et la question de la nation, plus généralement. Dans cette série d’entretiens, je suis revenu avec lui sur son parcours intellectuel. Je l’ai aussi questionné sur les grands problèmes politiques de notre temps. C’est une manière de rendre hommage à un professeur absolument admirable qui a marqué plusieurs générations d’étudiants.
Cette série de quatre entretiens avec Jean Roy a été préprarée par Mathieu Bock-Côté